FAQ sur la mise à pied

Face à une faute commise par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, un employeur est légitime à le sanctionner.

Parmi les sanctions possibles, une mise à pied peut être ordonnée. Celle-ci a pour principalement effet de suspendre temporairement le contrat de travail, le salarié ne percevant aucune rémunération durant cette période.

En la matière, il convient de bien distinguer deux types de mise à pied : celle disciplinaire et celle conservatoire.

Vous trouverez ci-après une foire aux questions relatif à cette sanction.

Quelle est la différence entre une mise à pied conservatoire et une mise à pied disciplinaire ?

Même si ces deux mises à pied ont les mêmes effets, à savoir la suspension du contrat de travail, elles ont deux finalités distinctes.

La mise à pied disciplinaire constitue une sanction disciplinaire définie à l’article L. 1331-1 du code du travail.

Aussi, en application du principe non bis in idem, une fois une faute sanctionnée par une mise à pied disciplinaire, cette même faute ne peut faire l’objet d’une seconde sanction. Dès lors, une fois prononcée, la mise à pied disciplinaire a un caractère définitif.

Au contraire, la mise à pied conservatoire ne constitue pas une sanction disciplinaire. En vertu de l’article L. 1332-3 du code du travail, il s’agit d’une simple mesure provisoire suspendant le contrat de travail le temps de la procédure disciplinaire.

En pratique, la mise à pied conservatoire est ordonnée lorsqu’il est envisagé un licenciement pour faute grave. En revanche, cela n’est pas obligatoire (Cass. soc., 09 février 2022, n° 20-17.140).

Quelle est la durée d’une mise à pied disciplinaire ?

Le code du travail ne fixe ni de minimum, ni de maximum quant à la durée d’une mise à pied disciplinaire.

La jurisprudence a, toutefois, précisé qu’une mise à pied prévue par le règlement intérieur n’est licite que si ce règlement précise sa durée maximale  (Cass. soc., 7 janvier 2015, n° 13-15.630).

A cet égard, dès lors que l’entreprise a l’obligation d’établir un règlement intérieur, elle ne peut prononcer une telle sanction si elle n’a respecté cette obligation initiale (Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-42.740).

Peut-on requalifier une mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire ?

Il est important d’engager la procédure de licenciement dans les jours qui suivent le prononcé d’une mise à pied conservatoire, sous peine de voir requalifier cette première mesure en sanction disciplinaire et ainsi voir juger abusif le licenciement qui s’en est suivi.

En effet, la Cour de cassation juge, sur le fondement du principe non bis in idem, que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire dès lors que la procédure de licenciement n’a pas été engagée dans un laps de temps bref après la notification de la mesure conservatoire (Cass. soc., 17 octobre 2018, n° 16-28.773).

Tel est le cas par exemple lorsque la procédure de licenciement a été engagée plus de 7 jours après la notification d’une mise à pied conservatoire (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 18-11.669).

Au contraire, lorsque la procédure de licenciement a été déclenchée le lendemain de la mise à pied, celle-ci est nécessairement conservatoire (Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-15.707).

Peut-on retarder l’engagement d’une procédure disciplinaire après le prononcé d’une mise à pied conservatoire ?

Par exception au principe précité, le seul moyen de justifier d’un délai excessif est la possibilité de démontrer pour l’employeur d’un motif légitime expliquant cette tardiveté entre la notification de la mise à pied et l’engagement de la procédure licenciement.

Les hypothèses sont rarement retenues par la jurisprudence :

 

  • Lorsque les faits reprochés nécessitent, par leur importance des investigations complexes et s’étalant sur plusieurs jours (Cass. soc., 13 septembre 2012, n° 11-16.434 : pour un délai de 13 jours entre la notification de la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable, délai justifié par des investigations sur les faits reprochés portant sur un détournement de fonds).

Un employeur peut-il annuler le prononcé d’une mise à pied conservatoire ?

La jurisprudence est venue préciser que l’employeur peut renoncer au licenciement, y compris après prononcé initialement d’une mise à pied conservatoire.

S’il entend, toutefois, prononcer une sanction moindre, à savoir une mise à pied disciplinaire, la durée de la mise à pied conservatoire s’impute sur la durée de la sanction définitive (Cass. soc., 5 juillet 2006, n° 03-46.361).

A cet égard, le fait de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail, n’a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire (Cass. soc., 18 mai 2022, n° 20-18.717).

 

Un employeur peut-il sanctionner un salarié pour une faute commise pendant une mise à pied ?

Même si la mise à pied a pour effet de suspendre le contrat de travail, le salarié reste tenu à l’égard de son employeur à une obligation de loyauté.

Aussi, le manquement à cette obligation durant une mise à pied conservatoire peut justifier un licenciement pour faute grave, peu important qu’aucune faute antérieure à sa mise à pied conservatoire ne puisse lui être reprochée (Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-19.744).

Cette solution semble transposable pour une mise à pied disciplinaire.

Peut-on mettre à pied à titre conservatoire un salarié protégé ?

Comme pour tout salarié, un salarié protégé peut également faire l’objet d’une mise à pied conservatoire le temps de la procédure de licenciement.

Toutefois, concernant les délégués syndicaux, l’article L. 2421-1 du code du travail prévoit que cette décision provisoire est, à peine de nullité, motivée et notifiée à l’inspecteur du travail dans le délai de quarante-huit heures à compter de sa prise d’effet.

Le non-respect de cette formalité n’entraîne que la nullité de la décision de mise à pied et non l’irrégularité de la demande d’autorisation de licenciement (CE, 2 juin 1989, n° 68.320).

Cette obligation formelle n’est, en revanche, pas prévue pour les salariés membres du CSE.

Pour autant, dans ce cas, la procédure de licenciement est accélérée (Article R. 2421-14 du code du travail) :

1. La consultation du CSE doit intervenir dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied.

2. La demande d’autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du CSE.

Une mise à pied entraîne-t-elle la suspension du mandat ?

En dépit de la suspension du contrat de travail, la jurisprudence estime que la mise à pied d’un représentant du personnel, qu’elle soit de nature conservatoire ou disciplinaire, n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de son mandat (Cass. soc., 2 mars 2004, n° 02-16.554).

Aussi, l’employeur est obligé de convoquer un membre du CSE à toute réunion et lui payer ses heures de délégation.

Que se passe-t-il en cas d’annulation d’une mise à pied conservatoire ?

Dans une telle hypothèse, le salarié est légitime à réclamer le salaire qu’il l’aurait perçu sur la période la mise à pied conservatoire ultérieurement annulée.

En revanche, il ne peut réclamer des sommes, même forfaitaires, correspondant au remboursement de frais professionnels qu’il n’a pas exposés (Cass. soc., 13 avril 2023, n° 21-17.871).

Dans l’hypothèse d’une mise à pied conservatoire prononcée durant une période de grève, la jurisprudence a précisé qu’en cas de refus d’autorisation de licencier d’un salarié protégé, l’employeur se doit de payer les salaires correspondant à la période de mise à pied, y compris si la grève avait débuté avant son prononcé (Cass. soc., 17 décembre 2002, n° 00-40.633).

La mise à pied étant un sujet majeur dans le cadre d’une relation de travail, le Cabinet reste à disposition, autant des salariés que des employeurs, pour toute problématique en lien avec ladite mesure disciplinaire ou provisoire.

Florent LABRUGERE

Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué..

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