La soudaineté d’un accident du travail

CA RIOM, 12 septembre 2023, RG n° 21/01851 *



Par cet arrêt, la Cour d’appel de RIOM est amenée à apprécier la réalité d’un accident du travail dans le cadre des relations CPAM/Employeur.

En l’espèce, il était question d’un salarié qui aurait été victime d’un accident du travail survenu le 23 septembre 2019 qui a été déclaré par l’employeur auprès de la CPAM. Après enquête, cette dernière a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Ultérieurement, l’employeur a saisi les juridictions de sécurité sociale en vue d’obtenir l’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident.

En la matière, l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale énonce qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Pour démontrer le lien entre un accident et le travail, la jurisprudence a établi l’existence d’une présomption pour tout accident survenu au temps et au lieu de travail. Autrement dit, l’accident est présumé en lien avec le travail dès lors qu’il est survenu pendant le temps de travail et sur le lieu de travail.

A titre d’illustration, tout malaise survenu au temps et au lieu du travail est présumé être en lien avec le travail (Cass. civ. 2ème, 29 mai 2019, n° 18-16.183 ; Cass. civ. 2ème, 9 septembre 2021, n° 19-25.418).

Dans l’arrêt commenté, la Cour d’appel rappelle, de manière pédagogique, les conditions de reconnaissance d’un accident du travail et, plus particulièrement, de la nécessité d’un évènement brutal et soudain à l’origine de la lésion :

« Alors que la maladie est la manifestation d’un processus évolutif interne, l’accident se caractérise par la soudaineté de la lésion apparaissant au temps et sur le lieu de travail, à une date et dans des circonstances certaines. La soudaineté de la lésion permet de lui donner une date certaine faisant présumer l’intervention d’un facteur traumatique lié au travail. Une affection pathologique qui s’est manifestée à la suite d’une série d’atteintes à évolution lente et progressive, et non en raison d’une action brutale et soudaine assimilable à un traumatisme, ne peut être considérée comme un accident du travail. Il en est ainsi même lorsque l’affection a été contractée dans l’exercice de la profession ».

Dans ses rapports avec l’employeur, il appartient à la CPAM d’établir la survenance de l’accident et l’existence d’une lésion en résultant. La preuve de l’accident peut être apportée par tous moyens (témoignages, constatations, documents médicaux, etc…), mais elle ne peut résulter des seules déclarations de la victime, ni d’attestations se bornant à reproduire les dires de celle-ci.

Au cas d’espèce, la déclaration d’accident du travail indique que l’accident serait survenu le 23 septembre 2019 alors que le salarié réalisait une prestation de nettoyage et déclare avoir ressenti une douleur dans le bras à force de passer la monobrosse avant de consulter son médecin le lendemain. Le certificat médical initial fait état au titre des constations détaillées, des “douleurs bras droit, tendinite bras droit”.

Au cours de l’instruction diligentée par la CPAM, le salarié a expliqué qu’il passait la monobrosse lorsque la machine s’est soudainement emballée, heurtant alors son bras droit sur l’os.

Cependant, la Cour d’appel note que la version du salarié n’est pas corroborée par la description fournie par l’employeur aux termes de sa DAT. De plus, elle observe qu’aucun élément objectif extérieur aux déclarations du salarié, de nature à confirmer la survenance d’un choc soudain au bras, n’est produit aux débats par la caisse.

Elle relève également que les constatations médicales évoquent une pathologie d’usure, liée à la répétition de gestes. S’il n’est contesté par quiconque que la lésion, utilement constatée dès le lendemain, ait pu se manifester le 23 septembre 2019 sur le lieu de travail, il n’est toutefois pas démontré, au regard des pièces soumises aux débats, qu’elle ait été causée par une action brutale et soudaine assimilable à un traumatisme.

Or, sans cette condition de soudaineté de l’événement à l’origine de la lésion, la qualification d’accident du travail ne peut être retenue, de sorte que la Cour d’appel déclare inopposable à l’employeur la décision de prise en charge.

Florent LABRUGERE
Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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