Le cumul d’emplois à l’origine d’un licenciement

CA PARIS, 06 juin 2024, RG n° 21/02436 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS est amenée à apprécier le bien-fondé d’un licenciement fondé sur un cumul d’emplois d’un salarié.

En la matière, on retiendra qu’il n’existe aucune interdiction totale de cumuler plusieurs emplois.

Des limites sont, toutefois, posées par le code du travail.

En effet, l’article L. 8261-1 dudit code précise qu’aucun salarié ne peut accomplir des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, telle qu’elle ressort des dispositions légales de sa profession.

Sur le fondement de ce texte, la jurisprudence en a tiré la conclusion suivante : un salarié peut cumuler plusieurs emplois à condition de faire preuve de loyauté envers ses employeurs en n’exerçant pas d’activités concurrentes et sauf clause contraire de son contrat de travail, cette liberté cédant toutefois devant l’obligation de respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail.

Par ailleurs, la seule circonstance que, du fait d’un cumul d’emplois, un salarié dépasse la durée maximale d’emploi ne constitue pas en soi une cause de licenciement. Seul le refus du salarié de régulariser sa situation ou de transmettre à son employeur les documents lui permettant de vérifier que la durée totale de travail n’excède pas les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires constitue une faute (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-24.238).

A cet égard, en cas de cumul par le salarié de deux contrats de travail entraînant un tel dépassement, l’employeur, auquel le salarié demande de réduire son temps de travail, n’est pas tenu d’accepter cette modification du contrat de travail (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-43.985).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, suivant CDI à temps plein, un salarié a été engagé par une entreprise de sécurité privée en qualité d’agent d’exploitation.

Au cours de la relation contractuelle, l’employeur a été informé par une entreprise évoluant dans le même secteur que le salarié était également employé à temps plein par elle. Déjà, par le passé, il avait cumulé deux emplois à temps plein avant de régulariser la situation.

Après mise en demeure de l’employeur, le salarié a été licencié pour faute grave, licenciement qu’il a contesté devant les juridictions prud’homales.

Après avoir rappelé les règles précitées, la Cour d’appel de PARIS constate qu’il ressort des éléments produits qu’à deux reprises, le salarié a cumulé son emploi à temps plein avec un autre emploi à temps plein.

Or, il n’a jamais informé son employeur de ces deux situations de cumul d’activité. Il ressort au contraire des éléments produits que l’employeur a été alerté de ces deux situations non par le salarié mais par les sociétés concurrentes embauchant le salarié.

Au surplus, l’employeur a mis en demeure son salarié de régulariser sa seconde situation de cumul d’emploi et que, faute de preuve d’une telle régularisation, il était contraint d’engager une procédure disciplinaire. Suite à cette mise en demeure, le salarié n’a pas informé son employeur qu’il entendait régulariser la situation.

Dès lors, pour la Cour, le salarié a fait preuve, dans le cadre de son cumul d’activité d’une déloyauté d’autant plus importante que le salarié avait déjà été alerté par l’employeur de la nécessité de régulariser sa situation en cas de cumul d’activité à temps plein par le passé.

Cette déloyauté est un manquement d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, de sorte que le licenciement pour faute grave est justifié.

Cet arrêt vient rappeler les règles applicables en matière de cumul d’emploi, côté salarié, et la réaction à tenir côté employeur.

Au-delà des règles applicables en matière de cumul d’emplois, on rappellera également que le simple fait d’exercer au sein d’une entreprise concurrente pendant un arrêt maladie caractérise un manquement à l’obligation de loyauté et justifie un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 28 janvier 2015, n° 13-18.354).

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue d’un accompagnement de toute procédure de licenciement.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

***

N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.