Le remboursement des frais professionnels d’un salarié

Dans le cadre de son activité professionnelle, tout salarié est susceptible d’exposer des frais pour le compte de son employeur.

Le régime des frais professionnels n’est pas posé par le code du travail mais les règles ont été consacrées par la jurisprudence.

Il est proposé ci-dessous une foire aux questions sur cette thématique. 

Un employeur peut-il imposer à son salarié de prendre en charge ses propres frais exposés dans le cadre de son travail ?

Il ressort d’une jurisprudence constante que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.

Ainsi, la clause du contrat de travail qui met à la charge du salarié les frais engagés pour les besoins de son activité professionnelle est réputée non écrite (Cass. soc., 12 février 2012, n° 11-26.585).

Quels sont les frais que l’employeur doit prendre en charge ?

Selon un attendu de principe, la jurisprudence estime qu’investi par la loi du pouvoir de direction et de contrôle des salariés placés sous sa subordination juridique, l’employeur est tenu de garantir ceux-ci à raison des actes ou faits qu’ils passent ou accomplissent en exécution du contrat de travail.

Au-delà des frais classiques (carburant, repas…), des frais spécifiques peuvent également être remboursés.

Ayant constaté qu’un salarié, poursuivi devant la juridiction répressive du chef de complicité d’abus de bien sociaux commis au détriment de son employeur, avait agi dans le cadre de son activité professionnelle pour mener à bien une opération souhaitée par celui-ci et sans avoir abusé de ses fonctions à des fins personnelles, la cour d’appel en a exactement déduit que l’employeur devait prendre en charge les frais d’avocats exposés par le salarié pour assurer sa défense (Cass. soc., 05 juillet 2017, n° 15-13.702).

De même, dès lors que le salarié a à sa disposition un téléphone portable pour les besoins de son travail dont l’abonnement est payé par l’employeur, il appartient à ce dernier de prendre en charge les frais de résiliation prévus par l’opérateur (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 03-48.370).

En revanche, l’achat d’une seconde paire de lunettes indiqué dans une ordonnance du médecin du travail adressée à un confrère ne répond pas aux besoins de l’activité professionnelle du salarié engagé dans l’intérêt de son employeur. Il ne peut donc pas être condamné au remboursement de ces frais (Cass. soc., 5 juillet 2017, n° 15-29.424).

Les équipements de protection individuelle sont-ils à la charge du salarié ?

L’article R. 4323-95 du code du travail prévoit expressément que les EPI sont fournis gratuitement par l’employeur qui assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires.

L’employeur peut-il prévoir le remboursement des frais professionnels par le versement d’une forme forfaitaire ? 

Au-delà d’une prise en charge au réel, la jurisprudence a admis que les frais professionnels soient remboursés par l’octroi d’une somme forfaitaire.

A cet effet, les deux conditions suivantes doivent être remplies (Cass. soc., 02 avril 2014, n° 12-35.361) :

1. D’une part, la somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés,

2. D’autre part, la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC.

En pratique, ce remboursement forfaitaire est prévu par une disposition du contrat du travail.

Par ailleurs, lorsque le contrat de travail prévoit le remboursement forfaitaire des frais professionnels exposés par le salarié, ce dernier peut prétendre à l’indemnisation convenue sans avoir à justifier des frais réellement exposés (Cass. soc., 12 juin 2024, n° 23-12.409).

Un salarié peut-il demander le remboursement de trajets effectués dans le cadre de sa vie privée ?

Dès lors que les trajets ne sont pas effectués dans le cadre de la sphère professionnelle, le salarié ne peut pas en demander la prise en charge par l’employeur.

A titre d’illustration, un salarié résidant en semaine dans la ville où il travaille ne peut pas prétendre à la prise en charge des trajets qu’il effectue les week-ends pour rejoindre celle où vit sa famille (Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-15.986).

Des cotisations ordinales peuvent-elles être considérées comme des frais professionnels ?

La Cour de cassation a répondu par la négative concernant un masseur-kinésithérapeute.

Plus précisément, elle a indiqué que l’obligation d’inscription auprès de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes diplômés permettant l’exercice de la profession est imposée, quelles qu’en soient les conditions d’exercice, à l’ensemble des masseurs-kinésithérapeutes, de sorte que les cotisations ordinales ne constituent pas des frais professionnels exposés dans l’intérêt de l’employeur (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-24.734).

Cette décision peut être étendue à toutes les professions réglementées.

Un employeur peut-il modifier unilatéralement le mode de remboursement fixé dans le contrat de travail ?

A partir du moment où il est stipulé expressément dans le contrat de travail un mode de remboursement des frais professionnels, l’employeur ne peut pas modifier ses modalités de remboursement.

A titre d’illustration, le remplacement du remboursement des frais de déplacement avec un véhicule personnel par un véhicule de service constitue une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié (Cass. soc., 25 janvier 2023, n° 21-19.169).

A défaut, une prise d’acte à ses torts pourrait être justifiée (Cass. soc., 19 février 2014, n° 12-24.392).

Comment se passe le remboursement des frais professionnels pour les salariés protégés ?

Les frais de déplacement des membres du comité concernant des réunions organisées à l’initiative de l’employeur, qui n’entrent pas dans les dépenses de fonctionnement de cet organisme, sont à la charge de l’employeur.

A défaut d’accord ou de dispositions conventionnelles applicables aux déplacements des représentants du personnel, les frais engagés par le représentant du personnel pour se rendre aux réunions organisées à l’initiative de l’employeur doivent lui être remboursés par celui-ci, quelle que soit la solution retenue par le salarié pour ce déplacement dès lors que celle-ci est exempte d’abus (Cass. soc., 20 février 2002, n° 99-44.760).

Si un salarié élu ne peut être privé, du fait de l’exercice de ses mandats, du paiement d’une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire, il ne peut, en revanche, réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu’il n’a pas exposés (Cass. soc., 19 septembre 2018, n° 16-24.041).

Une fraude en matière de remboursement de frais professionnels peut-elle justifier un licenciement ?

Selon les circonstances du dossier, une fraude en la matière peut justifier un licenciement disciplinaire.

Cela dépendra de plusieurs paramètres : ancienneté du salarié, ampleur et répétitivité de la fraude, préjudice de l’employeur… (Voir par exemple : Cass. soc., 08 décembre 2021, n° 20-15.622).

Quel est le délai de prescription en matière de frais professionnels ?

La jurisprudence a écarté l’application du délai de prescription triennal pour une action en remboursement des frais professionnels dans la mesure où ces derniers n’ont pas une nature salariale (Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-20.208).

On peut donc estimer qu’une telle action est soumise au délai de deux ans prévu par l’article L. 1471-1 du code du travail.

Le Cabinet reste à disposition pour accompagner et assister salarié et employeur concernant une problématique en lien avec le droit du travail et le droit de la sécurité sociale.

 

Florent LABRUGERE

 

Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

 

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.

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Maître Florent Labrugère

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