CA BORDEAUX, 30 septembre 2025, RG n° 23/01488 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de BORDEAUX est amenée à apprécier le bien-fondé d’un licenciement pour faute grave en raison de l’erreur dans l’envoi d’un courriel contenant des données confidentielles.
De manière classique, l’article L. 1232-1 du code du travail énonce que tout licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.
En matière de faute grave, celle-ci est définie comme celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. soc., 09 avril 2025, n° 24-12.055).
Dans cet arrêt, il était question d’une salariée qui a transféré de sa messagerie professionnelle vers son adresse électronique personnelle un courriel contenant des pièces jointes contrevenant ainsi à ses obligations en matière de sécurité informatique.
Cependant, aucun élément ne permettait de lui imputer une transmission de ces données confidentielles à des personnes extérieures à l’entreprise.
Aussi, aucune faute grave n’a été retenue.
De la même manière, aucun manquement ne peut être retenu à l’encontre d’un salarié dès lors qu’il n’a pas été informé du caractère confidentiel d’un document qu’il aurait transmis à des tiers (Cass. soc., 06 février 2008, n° 06-45.532).
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été embauchée à compter du 20 octobre 2014 et occupait, au dernier stade de la relation contractuelle, le poste de responsable de clientèle privée.
Le 11 février 2020, elle a été licenciée pour faute grave pour avoir envoyé un fichier confidentiel à une société concurrente et ne pas avoir alerté la direction de cette erreur.
Contestant cette décision, la salariée a saisi les juridictions prud’homales.
Après avoir rappelé la définition d’une faute grave, la Cour d’appel de BORDEAUX relève que l’employeur produit le mail litigieux.
Ce mail a été adressé par la salariée à son responsable contenant en pièce jointe une liste nominative de clients avec le taux de frais d’entrée dérogatoires accordé par la société pour chacun des clients. Il a également été adressé en copie à une entreprise concurrente.
Ledit destinataire en a d’ailleurs accusé réception en indiquant « (…) Encore une erreur de destinataire… Merci par avance de ta vigilance ».
L’erreur d’adressage commise par la salariée est en conséquence matériellement établie.
Or, pour la Cour, en divulguant à une société concurrente de son employeur des données confidentielles concernant des clients, notamment leur identité et des éléments relatifs aux conditions contractuelles qui leur étaient octroyées, ceci a porté à l’évidence préjudice aux intérêts commerciaux de l’employeur.
Au surplus, la salariée a commis un manquement grave à l’obligation de discrétion prévue à son contrat de travail.
Dès lors, la Cour d’appel confirme le bien-fondé du licenciement pour faute grave et déboute la salariée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.
La position de la Cour peut se comprendre au regard des données sensibles transmises à un concurrent direct, du poste occupé par la salariée, de l’absence d’alerte suite à l’envoi du mail et d’un manquement à l’obligation de discrétion.
En revanche, peut se poser la question si le comportement de la salariée était réellement volontaire puisqu’il était évoqué une erreur dans la transmission.
Dans un tel cas, le comportement involontaire aurait pu caractériser non une faute disciplinaire mais seulement une insuffisance professionnelle.
Pour autant, même dans ce cas, lorsqu’une insuffisance professionnelle procède d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée, elle peut être constitutive d’une faute disciplinaire (Cass. soc., 23 juin 2010, n° 09-40.073).
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !