Licenciement pour Inaptitude

licenciement inaptitude

L’inaptitude au poste de travail se définit généralement comme l’incompatibilité entre l’état de santé du salarié et son poste de travail.

Celle-ci est prononcée par le médecin du travail selon une procédure strictement encadrée par le code du travail (1). 

Une fois prononcée, peut se poser la question de l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude (2). 

Enfin, l’inaptitude emporte plusieurs conséquences conduisant généralement à la rupture du contrat de travail (3).

Si vous souhaitez plus de précision sur le régime juridique de la visite de reprise, vous pouvez utilement consulter une FAQ spécifique sur cette thématique.


1. La procédure de reconnaissance de l’inaptitude

a/ Au préalable, on rappellera que l’article R. 4624-31 du code du travail prévoit que tout salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail dans les hypothèses suivantes :

  • Après un congé de maternité ;
  • Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
  • Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail ;
  • Après une absence d’au moins soixante jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel.

Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Sur le fondement de cette disposition, la Cour de cassation juge, de manière constante, que le contrat de travail reste suspendu tant que la visite de reprise n’a pas été organisée et ce, peu important que le salarié ait repris le travail entretemps (Cass. soc., 1 juin 2023, n° 21-24.269).

A l’issue d’une visite de reprise, selon l’article R. 4624-42 du code du travail, une inaptitude ne peut être prononcée par le médecin du travail que :

  • S’il a réalisé au moins un examen médical de l’intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
  • S’il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
  • S’il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
  • S’il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.
  •  

b/ En cas d’avis d’inaptitude, l’article L. 4624-7 du même code permet à tout salarié ou employeur de contester le bien-fondé d’un avis émis par le médecin du travail. Il peut alors s’agir d’un avis d’aptitude avec réserves ou d’un avis d’inaptitude.

Pour ce faire, la contestation judiciaire se doit d’être rapide contrairement à l’accoutumée dans la mesure où le recours au juge ne suspend pas les effets de l’avis du médecin du travail. A titre d’illustration, la jurisprudence estime qu’un tel recours ne suspend pas le délai d’un mois de reprise de paiement des salaires après le prononcé d’une inaptitude (Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-41.141).

Par ailleurs, chose des plus surprenantes, alors même que le médecin du travail a émis l’avis contesté, ce dernier n’est pas partie au litige mais est simplement informé par l’employeur de la contestation selon l’article précité.

Dans le cadre de ce recours, le Conseil de prud’hommes peut ordonner la mise en œuvre d’une expertise confiée au médecin inspecteur du travail qui devra apprécier le bien-fondé de l’avis contesté.

La Cour de cassation a indiqué que les juridictions prud’homales ont un libre pouvoir d’appréciation en la matière, le prononcé d’une expertise n’étant qu’une simple faculté et non une obligation (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-20.944).

 

2. Sur l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude

a/ Se poser la question de l’origine professionnelle de l’inaptitude revient à savoir si l’inaptitude a pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle.

La principale différence est qu’en cas d’inaptitude professionnelle, le salarié est légitime à réclamer le doublement de son indemnité de licenciement ainsi que le versement d’une indemnité compensatrice de préavis selon l’article L. 1226-14 du code du travail.

Dans une telle hypothèse, l’enjeu financier peut donc être important, autant côté salarié qu’employeur.

Depuis fort longtemps maintenant, il est consacré un principe d’autonomie entre le droit du travail et le droit de la sécurité sociale. Ainsi, le régime protecteur de l’inaptitude professionnelle s’applique lorsque les deux conditions suivantes sont remplies (Cass. soc., 6 septembre 2023, n° 22-10.419) :

  • L’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle,
  • L’employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

La décision de la CPAM ne conditionne donc pas l’application du régime protecteur, ce que la Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises en différents termes :

  • L’application des règles protectrices « n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du lien de causalité entre la maladie professionnelle et l’inaptitude » (Cass. soc., 24 juin 2015, n° 13-28.460).
  • « Il en est ainsi, alors même qu’au jour du licenciement, l’employeur a été informé d’un refus de prise en charge au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles » (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 10-11.699).

b/ Malgré cette règle jurisprudentielle bien établie, il n’est pas rare, dans la pratique, qu’une décision de prise en charge ou refus de prise en charge de la CPAM constitue un élément clé susceptible d’emporter la conviction des juges du fond.

La seule exigence imposée par la Cour suprême est qu’aux termes de leur motivation, les juges du fond doivent se fonder sur plusieurs éléments pour conclure à l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude et non simplement sur la décision prise par la CPAM.

A l’inverse, un employeur peut également saisir les juridictions prud’homales en vue de contester l’application du régime protecteur qu’il a initialement lui-même appliqué. En général, ce type de recours se double, en parallèle, d’un recours devant les juridictions de sécurité sociale (Tribunal judiciaire – Pôle social) à l’encontre d’une décision de prise en charge relative à un accident du travail ou une maladie professionnelle ainsi que de la contestation de l’imputabilité des arrêts et soins prescrits à un salarié au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Ainsi, en obtenant gain de cause dans cette seconde action, il espère aboutir au même résultat devant les juridictions prud’homales.

Cependant, là encore, la Cour de cassation applique le principe d’autonomie entre le droit du travail et le droit de la sécurité sociale. Dès lors, une Cour d’appel ne peut simplement se fonder sur une décision du Tribunal des affaires de sécurité sociale (remplacé aujourd’hui par le Tribunal judiciaire – Pôle social) qui a déclaré la décision de prise en charge inopposable à l’employeur (Cass. soc., 7 mars 2018, n° 16-22.856 : la Cour précisant que le juge prud’homal doit apprécier lui-même l’origine professionnelle de l’inaptitude).

 

c/ Sur ce point, la position des juges du fond est assez variable.

A titre d’illustration, la Cour d’appel de TOULOUSE a fait droit à la demande de l’employeur sur le remboursement des indemnités doublée de licenciement et compensatrice de préavis. Pour ce faire, elle a estimé que le seul élément selon lequel l’employeur a été suffisamment précautionneux pour procéder au versement de sommes aujourd’hui indues ne saurait lui être reproché. En revanche, le salarié n’apportait aucun élément de preuve sur l’origine professionnelle de son inaptitude, étant précisé qu’une décision de refus de prise en charge au titre d’une rechute avait été prise par la CPAM.

Autrement dit, la Cour a fait peser la charge de la preuve sur le salarié en vue d’établir le lien entre son inaptitude et sa rechute et ce, peu importe que l’employeur ait appliqué initialement ce régime (CA TOULOUSE, 20 décembre 2019, RG n°17/01789).

Au contraire, dans un autre arrêt, la Cour d’appel d’ORLEANS rejette la demande de remboursement formulée par l’employeur en estimant qu’en l’absence de certitude du caractère indu des sommes versées, celui-ci n’est pas fondé à en demander restitution. Elle précise, à ce titre, que l’employeur a spontanément réglé les indemnités en litige dans le contexte d’une demande de reconnaissance d’accident du travail qui a finalement été accueillie par le Tribunal aux affaires de sécurité sociale (CA ORLEANS, 23 février 2017, RG n° 15/02746).

Enfin, l’employeur ne saurait se retourner contre la CPAM en vue d’obtenir le remboursement des sommes versées. La Cour de cassation rappelle ainsi le principe de l’autonomie susvisé, de sorte qu’une décision d’inopposabilité n’a aucune incidence sur l’obligation de l’employeur au versement de l’indemnité spéciale de licenciement (Cass. civ. 2ème, 28 janvier 2021, n° 19-25.459).

Partant, au-delà même de l’existence d’un principe d’autonomie entre le droit du travail et le droit de la sécurité sociale établi, de longue date, par la jurisprudence, l’articulation de ces deux domaines peut s’avérer relativement complexe.

3. Sur les impacts d’une inaptitude

a/ Le premier des impacts d’un avis d’inaptitude est que si à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur doit reprendre le paiement du salaire même si ce celui-ci ne peut plus travailler (Articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail).

Avant qu’un licenciement pour inaptitude ne soit prononcé, il pèse sur l’employeur, en principe, une obligation de reclassement.

En effet, quel que soit l’origine de l’inaptitude, selon les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail, l’employeur doit proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Bien évidemment, en l’absence de poste disponible au moment de la période de recherche de reclassement, l’employeur n’a pas manqué à cette obligation légale (Cass. soc., 3 mars 2021, n° 19-22.091).

Pour des questions de preuve, il est préconisé de formuler toute proposition de reclassement par écrit, même si cela n’est pas obligatoire (Cass. soc., 8 juin 2017, n° 15-29.419).

 

b/ Seconde obligation qui pèse sur l’employeur et corolaire de la première : l’obligation de consulter le CSE sur les recherches de reclassement faites en interne et au niveau du Groupe.

Précision utile quant à cette consultation : elle n’est soumise à aucun formalisme particulier (Cass. soc., 22 mai 2019, n° 18-13.390).

Enfin, selon les deux articles précités, l’employeur est dispensé de ces deux obligations lorsque le médecin du travail a précisé expressément, dans son avis d’inaptitude, que :

  • tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé,
  • l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

La Cour de cassation applique strictement ces deux cas de dispense. Aussi, lorsque le médecin du travail a indiqué dans l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à santé, l’employeur n’est pas exonéré de son obligation de reclassement (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-12.970).

Compte tenu de la complexité et l’évolution de la jurisprudence en la matière, le Cabinet reste à votre disposition pour toute problématique en lien avec l’inaptitude.

Florent LABRUGERE

Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.