Sanctions Disciplinaires

sanctions disciplinaires

Compte tenu d’un comportement qu’il estime fautif, un employeur peut prendre à l’encontre d’un de ses salariés une sanction disciplinaire.

Sur l’échelle des grandeurs des sanctions, cela peut constituer un simple avertissement, en passant par une mise à pied disciplinaire allant jusqu’à la sanction suprême, le licenciement.

Traditionnellement, le document de référence en matière disciplinaire est le règlement intérieur (1). Sur la base de ce document interne à l’entreprise, l’employeur est susceptible de prononcer une sanction disciplinaire qui doit, toutefois, respecter certains principes (2).

Si vous souhaitez plus de précision sur le régime juridique de la mise à pied, vous pouvez utilement consulter une FAQ spécifique sur cette thématique.

1. Sur le règlement intérieur

a/ Depuis le 1er janvier 2020, le règlement intérieur est obligatoire dans toute entreprise de plus de 50 salariés (auparavant 20 salariés). Ce seuil doit être atteint pendant 12 mois consécutifs selon l’article R. 1321-5 du code du travail. Une fois atteint, l’employeur dispose également d’un délai de 12 mois en vue d’établir le règlement intérieur.

De manière générale, le règlement intérieur fixe, d’une part, les règles en matière de discipline et, d’autre part, les règles relatives à la santé et la sécurité dans l’entreprise.

S’agissant de la première catégorie, celle-ci s’entend de manière générale :

  • Nature et échelle des sanctions disciplinaires. Il est parfois exigé des précisions quant aux modalités de la sanction, notamment pour une mise à pied dont la durée maximale doit être prévue (Cass. soc., 7 janvier 2015, n° 13-15.630) ;
  • Respect des horaires fixés par la direction ;
  • Fixer les modalités de fouille des vestiaires ;
  • Obligation de prévenir en cas d’absence ou de retard…

En revanche, l’article L. 1321-3 du code du travail pose des limites quant aux clauses comprises dans le règlement intérieur qui ne peut pas contenir :

  • Des dispositions contraires aux lois et règlements ainsi qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l’entreprise ou l’établissement ;
  • Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;
  • Des dispositions discriminatoires.

Dans une circulaire datée de 1983, l’administration a précisé que le règlement intérieur ne pouvait pas comporter les clauses suivantes (Circulaire DRT N° 5-83 du 15 mars 1983) :

  • l’interdiction du mariage entre salariés ou l’interdiction d’épouser une personne divorcée ;
  • l’obligation d’adopter un type de coiffure ;
  • l’obligation de porter un uniforme sans aucune restriction ;
  • l’interdiction absolue de chanter, siffler ou de parler à ses collègues ;
  • l’interdiction de porter des badges ou des insignes ;
  • l’interdiction d’introduire un journal dans l’entreprise.

La jurisprudence a également posé certaines limites. A titre d’illustration, le Conseil d’Etat a jugé illégal une clause imposant aux salariés d’une entreprise d’avertir leur direction de tout symptôme susceptible de laisser penser qu’un de leur collègue serait atteint d’une maladie professionnelle (CE, 4 mai 1988, n° 68032 et 68113).

Depuis la loi du 10 août 2016, l’article L. 1321-2-1 du code du travail permet la possibilité à l’employeur d’introduire une clause relative au principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés. Pour cela, les restrictions doivent être justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.


b/ Sur la procédure d’adoption d’un règlement intérieur, celui-ci doit être établi par écrit et rédigé en français avec une possibilité de l’accompagner d’une traduction dans une ou plusieurs langues étrangères.

Conformément à l’article L. 1321-4 du code du travail, plusieurs formalités doivent être accomplies avant l’entrée en vigueur du règlement intérieur :

  • Il doit être soumis à l’avis du Comité social et économique. En cas d’adoption d’un règlement unique pour une entreprise comportant plusieurs établissements distincts, celui-ci doit être soumis à l’ensemble des CSE desdits établissements (CE, 20 mars 2017, n° 391226).

  • Il doit être porté à la connaissance du personnel par tout moyen selon l’article R. 1321-1 du code du travail.

  • Il doit être déposé au greffe du Conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement (Article R. 1321-2 du code du travail).

  • Il doit être communiqué, en deux exemplaires, à l’inspecteur du travail accompagné de l’avis du CSE (Article R. 1321-4 du code du travail).

Ce dernier aura principalement pour rôle de contrôler la légalité du règlement intérieur communiqué par rapport aux dispositions du code du travail. A cet égard, l’article L. 1322-1 dudit code lui permet d’exercer ce contrôle à tout moment et d’exiger le retrait de clauses contraires aux dispositions précitées.

Dans le cadre de ce contrôle, tout employeur peut effectuer un rescrit auprès de l’inspecteur du travail compétent en vue que ce dernier apprécie, sur sa demande, la légalité du règlement intérieur conformément à l’article L. 1322-1-1 du code du travail.

On notera également que l’ensemble de ces formalités doivent être accomplies en cas de modification ou de retrait de clause d’un règlement intérieur déjà en vigueur. En revanche, la Cour de cassation est venue préciser que cette obligation n’est pas nécessaire lorsque la modification est consécutive à un contrôle opéré par l’inspecteur du travail (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 18-11.230).

Enfin, le règlement intérieur étant un acte établi unilatéralement par l’employeur en vue d’être appliqué à l’ensemble du personnel, son opposabilité ne nécessite pas qu’il soit soumis au consentement individuel de chacun des salariés (Cass. soc., 24 février 1971, n° 70-40.113).

Les formalités précitées ont un caractère substantiel. A défaut de les respecter, le règlement intérieur sera déclaré inopposable aux salariés. Tel a été le cas par exemple pour un défaut de communication à l’inspecteur du travail ou l’absence de consultation des institutions représentatives du personnel (Cass. soc., 9 mai 2012, n° 11‐13.687 Cass. soc. 11 févr. 2015, n° 13‐16‐457).

La sanction de l’inopposabilité peut avoir des conséquences importantes en pratique puisque la sanction disciplinaire prononcée sur un règlement inopposable est elle-même inopposable. Ainsi, pour s’aménager une preuve de son envoi, il est plus que recommandé de procéder par voie de courrier recommandé avec accusé de réception.


2. Sur la définition d’une sanction disciplinaire

Selon l’article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, cette mesure étant de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

A titre d’illustration, un rappel à l’ordre ne constitue pas, en principe, une sanction disciplinaire (Cass. soc., 19 septembre 2018, n° 17-20.193).

En revanche, constitue une sanction disciplinaire l’employeur qui reproche à son salarié, dans son compte-rendu d’entretien, une attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires, et l’invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total (Cass. soc., 2 février 2022, n° 20-13.833).

Une telle qualification est primordiale puisqu’en application du principe général non bis in idem, aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

Au surplus, selon l’article L. 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.

Tel est le cas par exemple de la retenue d’une somme sur le salaire au seul motif du dépassement du forfait téléphonique attaché au téléphone professionnel du salarié, ce qui constitue une sanction pécuniaire illicite (Cass. soc., 15 mai 2014, n° 12-30.148).

Par ailleurs, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. L’employeur, au sens de ce texte, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-20.734).

Enfin, on précisera qu’une procédure disciplinaire est fixée par les dispositions du code du travail. Aussi, hormis l’hypothèse d’un simple avertissement, un entretien préalable doit être organisé au cours duquel l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.

Au cours de la procédure de licenciement, le salarié peut faire l’objet d’une mise à pied conservatoire en vertu de l’article L. 1332-3 du code du travail. Dans ce cas, l’employeur doit très rapidement engager la procédure de licenciement, à défaut de quoi, la mise à pied conservatoire se transforme en mise à pied disciplinaire, de telle sorte que le salarié ne peut pas faire l’objet d’une autre sanction (Cass. soc., 14 avril 2021, n° 20-12.920).

Au vu de l’important formalisme en la matière, le Cabinet vous accompagne en vue d’élaborer ou mettre à jour un règlement intérieur ainsi que pour toute mise en œuvre d’une procédure disciplinaire ou la contester.

Florent LABRUGERE

Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.