La Covid 19 et la rupture d’une période d’essai

CA ROUEN, 31 août 2023, RG n° 21/03176 *


Par cet arrêt, la Cour d’appel de ROUEN est amenée à apprécier la régularité d’une rupture de période d’essai prononcée le premier jour du confinement ordonné des suites de la crise sanitaire liée à la Covid 19.

Comme indiqué dans un précédent article, il est certain dans les années à venir qu’un contentieux va naître concernant la crise sanitaire liée à la Covid-19.

En principe, selon l’article L. 1226-20 du code du travail, la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Le régime juridique de la période d’essai est assez souple puisque chacune des parties dispose d’un droit de résiliation unilatéral, sans avoir à alléguer de motif (Cass. soc., 20 octobre 2010 n° 08-40.822).

Cette souplesse est avant tout formelle puisque sur le fond, la rupture de la période d’essai par un employeur doit reposer sur un motif légitime lié notamment à la compétence professionnelle du salarié.

A titre d’illustration, la rupture ne peut pas intervenir pour un motif non inhérent à la personne du salarié, ce qui est nécessairement le cas d’une rupture fondée sur un motif économique (Cass. soc., 20 nov. 2007, n° 06-41.212).

De la même manière, une rupture motivée par le refus d’une salariée de sa baisse de rémunération n’est pas valable (Cass. soc., 10 décembre 2008, n° 07-42.445).

Telle était la question en l’espèce où une salariée a été embauchée suivant un CDD à temps plein à compter du 16 mars 2020 en qualité de chauffeur.

Le lendemain de son premier jour, étant également le premier jour du confinement, l’employeur a rompu la période d’essai. Deux mois après, un nouveau contrat a été conclu pour le même poste.

Ultérieurement, la salariée a saisi les juridictions prud’homales afin de contester la rupture du premier contrat.

Après avoir rappelé les règles précitées, la Cour d’appel de ROUEN rejoint la position de la salariée. Elle juge qu’il ne peut sérieusement être soutenu que le contrat de travail conclu le 16 mars 2020 a été rompu le lendemain à raison d’une insatisfaction de l’employeur en lien avec les compétences de la salariée.

En effet, cette date correspond au début du confinement lié à la pandémie de Covid 19. Au surplus, la salariée a été réengagée le 20 mai suivant par cette même société et pour les mêmes fonctions, ce qui est contradictoire avec la rupture précitée.

Elle juge donc la rupture abusive. En revanche, sur l’indemnisation, la sanction encourue en cas d’une telle rupture abusive consiste en l’allocation de dommages et intérêts réparant le préjudice subi et non en l’allocation des salaires qui auraient dus être perçus jusqu’au termes du contrat.

Elle condamne donc l’employeur à verser à la salariée une somme de 1.000,00 € au titre de cette rupture abusive.

Florent LABRUGERE
Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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