La modification du lieu de travail

CA PARIS, 08 janvier 2025, RG n° 21/09326 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS revient sur les règles applicables en matière de changement du lieu de travail d’un salarié en l’absence de clause de mobilité.

En la matière, la jurisprudence a établi un premier principe : « la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d’information à moins qu’il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu » (Cass. soc., 15 mars 2006, n° 02-46.496).

A défaut d’une telle clause, et en l’absence d’une clause de mobilité, l’employeur a la possibilité, au titre de son pouvoir de direction, de modifier le lieu de travail du salarié sans son accord.

Il s’agit dans ce cas d’une simple modification des conditions de travail.

En revanche, une limite a été posée par la jurisprudence avec la notion de secteur géographique.

Plus précisément, pour apprécier si un changement du lieu de travail constitue une modification du contrat de travail imposant l’accord du salarié, il convient de voir si le nouveau et l’ancien lieu de travail sont situés dans le même secteur géographique.

Cette notion est appréciée de manière objective selon plusieurs indices : la distance entre l’ancien et le nouveau lieu de travail, l’accessibilité de ce dernier ou encore le bassin d’emploi.

A titre d’illustration, ne sont pas situés dans le même secteur géographique et constitue donc une modification du contrat de travail lorsque (Cass. soc., 24 janvier 2024, n° 22-19.752) :

  • Les deux lieux de travail étaient situés à une distance de 35 km,
  • Ils ne faisaient pas partie du même bassin d’emploi fixé par l’INSEE,
  • Au vu des horaires de travail, il est manifeste que le covoiturage était difficile à mettre en place,
  • L’usage du véhicule personnel en matière de fatigue et de frais financiers générait, en raison des horaires et de la distance, des contraintes supplémentaires qui modifient les termes du contrat.

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’un salarié qui a été engagé, le 05 janvier 2017, en qualité de responsable technique chez un promoteur immobilier. En octobre 2019, son employeur a été racheté entraînant une modification de son lieu de travail.

Refusant cette modification, il a signé une rupture conventionnelle. Ultérieurement, il a saisi les juridictions prud’homales.

Le salarié soutient qu’une modification unilatérale de son contrat de travail est survenue antérieurement à la rupture conventionnelle, ce qui a participé aux pressions exercées à son encontre pour le déterminer à signer celle-ci.

Sur ce point, après avoir rappelé les règles précitées, la Cour d’appel de PARIS relève que le contrat de travail comportait une clause, intitulée  » Lieu de travail  » stipulant que le salarié exercera ses fonctions au siège social de la société.

Or, pour la Cour, ce renvoi, sans autre précision, au lieu du siège social de l’entreprise, lequel est susceptible d’évoluer au cours de la relation contractuelle, ne permet pas de considérer que les parties auraient attaché une particulière importance au lieu de travail et que celui-ci constituerait ainsi un élément du contrat ne pouvant être modifié sans l’accord du salarié.

En outre, si le contrat comporte une clause de mobilité fonctionnelle mais ne comporte aucune clause de mobilité géographique, cette circonstance ne permet pas d’en déduire que le lieu de travail aurait été contractualisé.

De plus, après le rachat, le salarié a continué à exercer ses fonctions au siège social de son employeur dans des locaux situés à une quinzaine de kilomètres de l’ancien siège.

Dès lors, la Cour d’appel juge que la circonstance que le lieu de travail a été modifié du fait de ce transfert ne peut s’analyser comme une modification unilatérale du contrat de travail par le nouvel employeur, peu important que cette modification ait entraîné pour le salarié une augmentation de son temps de trajet.

Elle déboute donc le salarié de ses demandes.

La décision vient donc mettre en lumière le régime juridique applicable à un changement du lieu de travail.

Tout est affaire de circonstance et chaque situation doit amener à une analyse personnalisée afin de savoir si on est en présence ou non d’une simple modification des conditions de travail ou d’une véritable modification du contrat de travail.

La distinction est essentielle puisque cela conditionnera de la nécessité ou non de requérir l’accord du salarié sur ce changement.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !