Aujourd’hui se pose de plus en plus la question de la prise en compte des animaux par le droit.
Classiquement, deux catégories sont posées pour les sujets de droit : les personnes, d’un côté, et les biens de l’autre. Jusqu’à encore récemment, les animaux étaient placés dans cette seconde catégorie.
Avancée majeure ces dernières années, une définition légale a finalement été posée de l’animal.
Aussi, selon l’article 515-14 du code civil, « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ».
Cette problématique peut également se retrouver dans le monde du travail et, plus particulièrement, de la présence d’un animal de compagnie sur le lieu de travail.
En effet, il est généralement mis en avant que la présence d’un animal puisse avoir un impact positif dans une optique de bien-être au travail et de réduire le stress.
En la matière, le code du travail français est muet. Il est simplement prévu dans certains domaines particuliers une interdiction d’une présence animale comme dans les établissements publics de santé, à l’exception des chiens-guides d’aveugles (Article R. 1112-48 du code de la santé publique).
Dans la mesure où le code du travail ne le prohibe pas, il peut tout à fait être envisagé qu’un employeur puisse autoriser la présence des animaux de compagnie sur le lieu de travail.
Cependant, une telle décision ne peut pas être prise sans une réflexion préalable sur le sujet. En effet, il pèse sur tout employeur une obligation de sécurité en vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail.
Ainsi, si l’employeur autorise une telle présence, il doit veiller, en amont, aux potentiels risques encourus pour ses salariés en lien avec cette présence.
A titre d’illustration, il peut être amené à informer et consulter le CSE sur cette mise en place dans la mesure où cette institution a des prérogatives en matière de santé et sécurité au travail.
Au titre de son obligation d’évaluation des risques, il devra mettre à jour le document unique d’évaluation des risques en listant les risques encourus par la présence d’animaux de compagnie sur le lieu de travail et les mesures de précaution mises en place : obligation, par exemple, pour les salariés de fournir un carnet de vaccination à jour, aménager un espace dédié aux animaux présents…
Cette autorisation de présence peut également être consacrée par une disposition du règlement intérieur. A cet égard, le CSE pourra être consulté lors de ce rajout en application de l’article L. 1321-4 du code du travail.
Au contraire, pour des raisons d’hygiène et de sécurité, l’employeur peut également interdire la présence d’animaux au lieu de travail.
Sur ce point, il n’existe pas encore à ce jour dans la législation un droit pour le salarié d’amener son animal domestique sur le lieu de travail qui permettrait d’invoquer l’article L. 1121-1 du code du travail, cette disposition encadrant les atteintes aux droits des personnes et aux libertés individuelles des salariés.
S’agissant de la présence des animaux de compagnie, certaines décisions de justice ont déjà pu se positionner sur les problématiques susvisées.
Ainsi, dans le cadre d’une interdiction d’une telle présence, des salariés ont été licenciés pour la méconnaissance de ladite interdiction. Plusieurs décisions ont pu être rendus sur cette question :
1/ CA METZ, 20 mai 2015, RG n° 13/03203 : Un chauffeur routier a été licencié pour faute grave, notamment en raison du fait qu’il a amené, à plusieurs reprises, son chien avec lui lors de ses déplacements professionnels en dépit d’un rappel à l’ordre antérieur.
Sur ce grief, la Cour d’appel a indiqué que durant l’exécution du contrat de travail, le salarié est tenu de se conformer aux instructions de son employeur sauf illicéité de l’ordre ou caractère légitime du refus du salarié de s’y soumettre.
Or, au cas présent, l’employeur a clairement donné pour instruction au salarié de ne pas amener son animal de compagnie lors de ses déplacements professionnels, étant observé que quel que soit le gabarit de l’animal en cause, des considérations d’hygiène et de sécurité sont de nature à justifier l’interdiction posée par l’employeur.
Pour la Cour, en ne respectant pas cette interdiction, le salarié a fait preuve d’insubordination qui caractérise un manquement fautif, peu important à cet égard qu’aucun préjudice ne soit allégué par l’employeur.
2/ CA PARIS, 15 mai 2012, RG n° 10/06290 : Une salariée a été licenciée pour faute simple notamment parce qu’elle a introduit à deux reprises un chien dans les locaux de l’entreprise.
Sur ce grief, la Cour d’appel note que l’employeur ne démontre pas que la salariée soit venue travailler avec son animal de compagnie alors qu’elle indiquait n’être venue que le présenter à son équipe à la demande de celle-ci plusieurs mois avant l’engagement de la procédure de licenciement.
Ce seul fait ne pouvait pas justifier un licenciement.
3/ CA VERSAILLES, 15 janvier 2015, RG n° 13/01304 : Une salariée, occupant un poste de vendeuse, a été licenciée pour faute grave. Il lui était notamment reproché de venir travailler avec son chien.
Sur ce grief, la Cour d’appel constate que l’employeur, qui soutient avoir expressément interdit à sa salariée d’amener son chien dans la boutique, ne justifie nullement de la notification d’une telle interdiction.
La salariée avait, certes, admis avoir ponctuellement amenée son chien mais une telle présence très ponctuelle ne peut constituer une faute de cette dernière.
4/ CA LYON, 26 janvier 2023, RG n° 20/02253 : Dans cette affaire, une assistante administrative a été licenciée pour faute simple, notamment en raison du fait qu’elle venait avec son chien sur son lieu de travail.
La réalité de ce grief n’était pas contestée par la salariée. Cependant, la Cour d’appel relève que l’employeur ne produisait pas le règlement intérieur auquel il est fait référence dans la lettre de licenciement, de sorte qu’il ne peut être vérifié que l’interdiction à laquelle se réfère la société dans la lettre de licenciement est effectivement prévue.
Cette seule faute ne pouvait donc pas justifier un licenciement.
A travers ces exemples, on peut en tirer la conclusion que la présence d’un animal de compagnie sur le lieu de travail peut être sanctionnée, voire même justifier un licenciement.
Cependant, une telle décision dépendra de plusieurs paramètres : interdiction bien prévue en interne, préjudice de l’employeur, rappel à l’ordre antérieur, ancienneté du salarié…
La présence des animaux domestiques sur le lieu de travail peut également être à, l’origine de contentieux en matière d’accident du travail et de faute inexcusable de l’employeur :
1/ CA AMIENS, 02 mars 2006, RG n° 05/02369 : Au cas présent, un salarié a été victime d’un accident du travail. Ce dernier estimait qu’il a été victime d’une chute provoquée par la présence d’un chien n’appartenant pas à l’établissement mais dont la direction tolérait la présence.
Sur ce point, la Cour d’appel relève que les circonstances de l’accident demeurent indéterminées et qu’aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que la chute serait imputable au chien qui était présent dans les locaux de l’entreprise.
A cet égard, elle juge que la présence d’un animal de compagnie dans une maison de retraite n’est interdite par aucun texte (et était au contraire autorisée par le règlement intérieur). Le chien en question était calme, docile et parfaitement identifié. Aucune protestation ni réserve n’avait été émise sur la présence de cet animal.
Elle écarte donc l’existence d’une faute de l’employeur dans la survenance de cet accident.
2/ CA AIX-EN-PROVENCE, 31 janvier 2025, RG n° 23/02077 : Au cas d’espèce, la salariée occupait un poste d’ambulancière et a été victime d’un accident du travail. A ce titre, elle soutenait qu’elle avait chuté à cause de la laisse du chien qui se trouvait attaché dans le local affecté au personnel.
Toutefois, comme dans l’arrêt précédent, la Cour d’appel note ici que les circonstances de l’accident ne sont pas suffisamment déterminées, de sorte que la salariée ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que son accident du travail a pour cause une faute inexcusable de son employeur.
3/ CA TOULOUSE, 12 mai 2023, RG n° 21/04293 : Une salariée a été victime d’un accident du travail pour avoir subi des morsures par le chien de son employeur, de race berger-allemand.
Ici, la Cour d’appel juge que ce chien est un animal de fort gabarit, communément considéré comme un chien de compagnie mais aussi de défense de son maître et de sa propriété.
Elle constate également que de manière habituelle, l’employeur appliquait des mesures de prudence, mettant à l’écart le chien dans un enclos, lors de visite de personnes non proches et restaient présents dans le jardin même lorsqu’il connaissait la personne.
Ils avaient donc conscience d’une dangerosité potentielle du chien qui aurait dû amener le maître à mettre le chien à l’écart pour sécuriser les rapports de proximité avec la salariée.
Elle considère ainsi que la faute inexcusable de l’employeur est établie.
Tout comme les décisions citées sur un licenciement, tout est affaire de circonstances.
Le Cabinet reste à disposition pour accompagner et assister salarié et employeur concernant une problématique en lien avec le droit du travail et le droit de la sécurité sociale.
Florent LABRUGERE
Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale
N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.

Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !