CA PARIS, 15 mai 2025, RG n° 22/07953 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS est amenée à statuer sur le bien-fondé d’un licenciement pour faute grave en raison d’une violation du code de la route par un salarié chauffeur.
En tout domaine, selon l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Il existe différents types de motif de licenciement, dont la faute disciplinaire.
A cet effet, la Cour de cassation a précisé qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Ainsi, des infractions au code de la route commises, en dehors du temps de travail, avec un véhicule de fonction de l’entreprise qui n’a subi aucun dégât, ne constitue pas une méconnaissance par le salarié de ses obligations contractuelles, de sorte que ces faits de la vie personnelle ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire (Cass. soc., 4 octobre 2023, n° 21-25.421).
En revanche, est susceptible de justifier un licenciement disciplinaire la conduite par un salarié de son véhicule de fonction en état d’ébriété et victime d’un accident au retour d’un salon professionnel (Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-19.742).
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’un salarié qui a été embauché, le 08 août 2005, en qualité de chauffeur-conducteur-receveur.
Le 30 avril 2019, son licenciement lui a été notifié pour faute grave, caractérisée par une conduite dangereuse et une inobservation du code de la route.
Le salarié a contesté cette décision devant les juridictions prud’homales.
En premier lieu, la Cour d’appel est amenée à apprécier la recevabilité des moyens de preuve produits par l’employeur.
En effet, selon l’article L. 1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n’ont pas été préalablement informés de l’existence ainsi que de la finalité.
Il en ira, de même, pour un système de géolocalisation.
Or, au cas d’espèce, ni le système de vidéo-surveillance, ni le système de géolocalisation du bus conduit par le salarié, n’ont été déclarés comme destinés à contrôler les activités des salariés de l’entreprise.
La Cour juge donc que leur production en justice constitue un mode de preuve illicite.
Cependant, sur le fondement de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, le droit à la preuve peut justifier la production de moyens de preuve illicites ou déloyaux à condition, d’une part, que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et d’autre part, que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
A cet égard, elle relève que la production de ces moyens de preuve n’apparaît pas disproportionnée au but poursuivi, à savoir constater et sanctionner des comportements dangereux pour les clients de l’employeur, le salarié lui-même, ainsi que les usagers de la route.
Au surplus, la production de l’enregistrement de vidéo-surveillance et de géolocalisation constituait le seul moyen permettant d’établir la réalité des faits allégués.
Sur le bien-fondé du licenciement, la Cour indique que le fait que la lettre de licenciement ne fasse pas état des modes de preuve produits et que cette production soit tardive n’a pas pour effet d’en amoindrir la force probante.
Ainsi, elle constate que le salarié a violé les dispositions du code de la route en empruntant des ronds-points à contresens avec une vitesse excessive.
Pour elle, ces éléments concordants établissent que le salarié a roulé de façon dangereuse à bord d’un véhicule de transport public de personnes, mettant en danger ces dernières, lui-même, ainsi que les usagers de la route et portant atteinte à l’image de l’entreprise.
Elle juge donc le licenciement pour faute grave justifié, nonobstant l’ancienneté du salarié et l’absence alléguée de passé disciplinaire.
Cet arrêt vient illustrer le nouveau régime du droit à la preuve avec la production de moyens de preuve illicites ainsi que le caractère fautif d’infractions au code de la route d’un salarié chauffeur commis dans l’exercice de ses missions.
Surtout, côté employeur, il convient de bien rassembler, en amont d’un licenciement disciplinaire, les éléments de preuve en vue de démontrer les fautes reprochées.
Côté salarié, il convient de bien distinguer si les faits ont été commis pendant ou en dehors du temps de travail concernant des infractions au code de la route.
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !