TJ LILLE, 10 juillet 2025, RG n° 24/00712
TJ NÎMES, 15 mai 2025, RG n° 23/00812*
Par ces deux Jugements, les Tribunaux judiciaires de LILLE et NÎMES reviennent sur la notion de « burn out » en matière d’accident du travail.
En cas d’instruction de la CPAM, celle-ci dispose d’un délai de 90 jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident en application de l’article R. 441-8 du code de la sécurité sociale.
Ce délai commence à courir à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial.
A cet effet, l’article R. 441-10 du même code précise que les certificats médicaux adressés à la CPAM devront mentionner toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l’origine traumatique ou morbide des lésions.
Selon l’article R. 441-18 du code précité, l’absence de respect du délai de 90 jours francs emporte reconnaissance tacite du caractère professionnel de l’accident.
Il est maintenant acquis en jurisprudence qu’un accident du travail peut entraîner une lésion d’ordre psychologique comme une dépression nerveuse intervenue à la suite d’un entretien d’évaluation (Cass. civ. 2ème, 01 juillet 2003, n° 02-30.576).
Aussi, il n’est pas rare de voir en pratique aujourd’hui des certificats médicaux faisant état d’un « burn out » (ou en terme plus français d’un « syndrome d’épuisement professionnel » ou « syndrome anxiodépressif ») en lien avec un accident du travail.
Sur ce point, le Conseil d’Etat a jugé que la seule circonstance qu’un médecin ait fait état dans un avis de prolongation d’arrêt de travail de ce qu’il avait constaté l’existence d’un « burn out » ne caractérise pas l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance (CE, 28 mai 2024, n° 469089).
Telle était la problématique qui était soulevée dans les deux Jugements commentés.
Dans l’affaire de Lille, une salariée a été victime d’un accident du travail déclaré par son employeur le 10 mars 2023. Le certificat médical initial en lien avec cet accident fait mention d’un « burn out ». Un nouveau certificat médical a été établi le 30 juin 2023 faisant mention d’un « syndrome dépressif sévère ».
Le 26 septembre 2023, la CPAM a notifié à la salariée un refus de prise en charge de l’accident.
Dans l’affaire de NÎMES, une salariée a été victime d’un accident déclaré par son employeur le 21 février 2023. Le certificat médical initial mentionne un « burn out ».
Par courrier du 23 février 2023, la CPAM a retourné le CMI à la salariée en expliquant qu’il n’était pas recevable puisque le terme « burn out » ne suffisait pas, selon elle, pour qualifier le certificat de descriptif des lésions constatées.
Un second certificat a donc été établi mentionnant cette fois-ci un « choc émotionnel en lien avec le travail. Stress en réaction au choc, fortes angoisses, sommeil perturbé ».
Après enquête, la caisse a notifié, par courrier du 22 juin 2023, un refus de prise en charge de l’accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Contestant ces décisions, les salariées ont saisi les juridictions de sécurité sociale. A l’appui de leur contestation, elles invoquaient une reconnaissance tacite de leur accident, le délai de 90 jours précité devant débuter à la réception du premier certificat médical initial.
Sur ce point, les deux juridictions rendent une décision opposée.
Pour le Tribunal judiciaire de LILLE, le positionnement de la caisse est extrêmement atypique au vu du nombre impressionnant de dossiers de maladie professionnelle instruit sur la base de certificats médicaux initiaux visant le « burn out ».
S’il se comprend que la CPAM refuse de considérer que le « burn out » ou le « syndrome anxio dépressif » puisse relever d’un accident du travail, elle pouvait parfaitement dans cette logique prendre une décision dans les 90 jours.
Pour la juridiction, en refusant ainsi d’instruire le dossier et en s’érigeant la compétence de décider que la mention apposée par le médecin n’était pas une description médicale, la caisse s’est accordée un délai supplémentaire d’instruction, la décision ayant été prise le 26 septembre 2023 alors qu’il est établi qu’à tout le moins le 7 avril 2023, elle disposait d’un dossier complet.
Le Tribunal constate donc la reconnaissance implicite par la caisse du caractère professionnel de l’accident.
Pour le Tribunal judiciaire de NÎMES, au cas d’espèce, le premier certificat médical comporte seulement la mention « burn-out » mais ne mentionne pas de constatations détaillées nécessaires à la validité et à la recevabilité dudit certificat.
Aussi, pour lui, le délai de 90 jours francs n’a commencé à courir que lors de la réception par la caisse du second certificat médical, soit le 27 mars 2023. Ainsi, la caisse, ayant rendu sa décision le 22 juin 2023, a parfaitement respecté le délai réglementaire.
Ces Jugements viennent éclairer l’existence d’un véritable débat dans le monde judiciaire quant à l’interprétation de la notion de « burn out », à savoir si ce terme a bien une signification médicale susceptible d’être renseignée dans un certificat établi par un médecin.
A la lecture de ces deux décisions, la CPAM y semble opposée.
Au-delà de ce débat, et comme l’a relevé le Tribunal judiciaire de LILLE, la véritable question à se poser dans ce type d’affaire serait avant tout de savoir si le « burn out » peut être consécutif à un accident du travail qui se définit comme un événement brutal et soudain à l’origine d’une lésion.
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !