CA LYON, 12 novembre 2025, RG n° 22/07375 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de LYON est amenée à rappeler l’application d’un délai de carence entre des CDD successifs et les conséquences juridiques à en tirer en cas de non-respect dudit délai.
En application de l’article L. 1244-3 du code travail, à l’expiration d’un CDD, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un CDD ni à un contrat de travail temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements.
Autrement dit, en cas de CDD successifs, il convient d’attendre un certain délai avant de conclure un nouveau CDD sur le même poste.
Ce délai de carence peut être fixé par un accord de branche. A défaut, selon l’article L. 1244-3-1 du code précité, il est égal :
1/ Au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est de quatorze jours ou plus.
2/ A la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est inférieure à quatorze jours.
Dans certains cas, ce délai de carence ne s’applique pas, notamment lorsque chacun des CDD successifs est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent (Article L. 1244-3 du code du travail).
En cas de non-respect du délai de carence applicable, les CDD sont requalifiés en un CDI conformément à l’article L. 1245-1 du code du travail.
Outre cette requalification, les règles classiques de rupture du CDI doivent alors s’appliquer.
Ainsi, « lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture du contrat par la seule survenance de l’échéance du terme s’analyse en un licenciement abusif » (Cass. soc. 10 décembre 2014, n° 13-20.125).
Selon les circonstances, le licenciement peut donc être jugé sans cause réelle et sérieuse ou nul et ainsi ouvrir droit au salarié à une indemnisation complémentaire.
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été embauchée, en qualité d’agent de sécurité incendie, suivant plusieurs CDD sur la période du 05 décembre 2020 au 31 mars 2021.
Avant son dernier jour de travail, elle a procédé à une alerte pour des faits de harcèlements sexuels dont elle a été victime sur son lieu de travail.
Ultérieurement, la salariée a saisi les juridictions prud’homales aux fins de voir requalifier ses CDD successifs en un CDI et dire que la rupture des relations contractuelles intervenue à initiative de l’employeur s’analyse en un licenciement nul.
Après avoir rappelé les textes précités, la Cour d’appel de LYON relève que les CDD pour accroissement temporaire de l’activité qui se sont succédé n’ont pas respecté le délai de carence du tiers de la durée du contrat venant à expiration.
Dès lors, pour la Cour, la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est de droit.
Elle condamne donc l’employeur à payer à la salariée une indemnité de requalification à hauteur d’un mois de salaire.
Sur la question de la rupture du contrat de travail, elle rappelle qu’il appartient à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par la salariée des faits de harcèlement sexuel qu’elle a dit avoir subis et la rupture du contrat de travail.
Or, selon la Cour, l’absence de réponse de la salariée à l’enquête que la société souhaitait diligenter n’est pas de nature à démontrer l’absence de lien entre ladite dénonciation et la rupture du contrat de travail.
Elle juge donc le licenciement comme étant nul et accorde, à ce titre, à la salariée des dommages et intérêts à hauteur de 11.694,00 €.
Cet arrêt vient ainsi rappeler le régime spécifique applicable au CDD, un contrat d’exception par rapport au CDI qui doit rester la norme.
Surtout, l’absence de respect de ces règles, comme le délai de carence dans le cas d’espèce, peut emporter des conséquences financières non-négligeables côte employeur.
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !