Le délai de prescription en matière d’indu à l’encontre des professionnels de santé

Selon l’article 2219 du code civil, la prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

Autrement dit, au bout d’un certain temps, il n’est plus possible de revenir, par la voie de la justice, sur ce qui a été fait par le passé.

Ainsi, quel que soit le domaine, il est prévu un délai de prescription au-delà duquel il ne sera plus possible d’agir en justice.

En matière d’indu à l’encontre d’un professionnel de santé, il faut se reporter à l’article L.133-4 du code de la sécurité sociale.

Ce texte prévoit ainsi que l’action en recouvrement de la Caisse se prescrit par trois ans à compter de la date de paiement de la somme indue, sauf en cas de fraude où le délai est de cinq ans.

Dans certaines hypothèses, le délai de prescription peut être interrompu par un événement particulier. Tel est le cas d’une demande en justice selon l’article 2241 du code civil.

Côté défendeur à une action en justice, seule constitue une demande en justice interrompant la prescription celle par laquelle il prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire (Cass. 2ème, 01er février 2018, n°17.14.664).

Dans le contentieux de sécurité sociale, il est également prévu que l’interruption de la prescription peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, quels qu’en aient été les modes de délivrance (Article 133-4-6 du CSS).

Ainsi, la notification d’indu de la CPAM en LRAR est susceptible d’interrompre le délai de prescription triennal précité.

Dans une décision récente, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a fait application de ces règles (CA AIX-EN-PROVENCE, 13 juin 2025, RG n° 22/13740).

Au cas d’espèce, la CPAM a procédé à un contrôle administratif de la facturation d’une infirmière libérale sur la période du 01er octobre 2015 au 30 septembre 2016.

Le 29 mai 2017, la Caisse lui a notifié un indu d’un montant de 52.888,57 euros au visa des articles L.133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale.

Le 26 octobre 2017, l’infirmière a saisi les juridictions de sécurité sociale de la contestation élevée à l’encontre de la décision de la Commission de recours amiable du 21 août 2017, notifiée par courrier du 29 août 2017.

Le 11 décembre 2017, elle lui a également notifié une pénalité financière d’un montant de 10.000 euros.

Le 07 février 2018, elle a, de nouveau, saisi les juridictions en vue, cette fois-ci, de la contestation de la pénalité.

Au cours de la procédure judiciaire, l’infirmière a invoqué la prescription de l’indu et de la pénalité.

Sur l’indu, après avoir rappelé les textes et jurisprudence précités, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE note que la notification d’indu fait référence aux articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du CSS sans aucune mention à la fraude.

Par ailleurs, elle énonce que le non-respect des règles de facturation n’est pas au nombre des faits constitutifs de fraude limitativement énumérés par les dispositions de l’article R. 147-11 du même code, la fraude rendant applicable la prescription quinquennale étant celle qui résulte d’un acte traduisant une intention de modifier la réalité pour obtenir un avantage ou une prestation injustifiée.

Ainsi, au cas présent, l’action en recouvrement de la caisse est soumise à la prescription triennale.

Or, elle constate que l’indu invoqué par la Caisse est prescrit.

Sur ce point, elle rappelle que la saisine de la Commission de recours amiable ne suspend pas le délai de prescription (Cass. civ. 2ème, 03 avril 2014, n° 13-15.136).

La caisse avait ainsi jusqu’au 26 juillet 2020 pour délivrer une mise en demeure ou saisir par des conclusions la juridiction de première instance d’une demande de condamnation de l’infirmière, ce qu’elle n’a fait que le 02 juin 2022, soit trop tardivement.

La Cour énonce que la caisse ne peut utilement arguer que la saisine de la juridiction de première instance par la professionnelle de santé de sa contestation de l’indu a pu avoir un effet interruptif de la prescription de sa propre action.

Pour elle, cette dernière confond ainsi la prescription de son action en recouvrement, qu’elle seule peut interrompre pour être titulaire de ce droit, avec l’action en contestation de l’indu notifié par le professionnel de santé, titulaire de ce droit.

L’action en recouvrement de la CPAM est donc jugée irrecevable pour cause de prescription autant pour l’indu que pour la pénalité financière.

Le Cabinet reste à disposition pour accompagner et assister les professionnels de santé dans leur relation avec la CPAM.

Florent LABRUGERE

Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.

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Maître Florent Labrugère

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