L’obligation vaccinale devant les juridictions prud’homales

CA PARIS, 16 novembre 2023, RG n° 22/09930 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS est amenée à apprécier la suspension d’un contrat de travail d’un professionnel de santé ayant refusé de se faire vacciner contre la Covid-19.

Ce qui était encore de grande actualité en 2020 et 2021 est maintenant devant les juridictions.

Plus particulièrement, la Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire avait notamment imposé aux salariés travaillant dans un établissement de santé une obligation vaccinale, hormis contre-indication médicale (Article 12 de la loi du 5 août 2021).

A défaut, le ou les salariés concernés voyaient leur contrat de travail suspendu.

Par un arrêt récent, la Cour de cassation vient de rejeter de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC sur ce point (Cass. soc., 05 juillet 2023, n° 22-24.712).

A cet effet, la juridiction suprême a estimé que cette obligation de vaccination pour les salariés travaillant dans un établissement de santé poursuivait l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé afin de « lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 par le recours à la vaccination, et garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l’effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés ».

De plus, pour la Cour, cette mesure ne portait pas atteinte au droit à l’emploi étant donné qu’elle ne prévoit pas la rupture du contrat de travail mais uniquement sa suspension.

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’une salariée, assistante de direction de projet, qui travaillait dans un établissement de santé. Cette dernière n’a pas souhaité se conformer à l’obligation de vaccination imposée par son employeur.

Aussi, le 19 octobre 2021, l’employeur lui a notifié la suspension de son contrat de travail. Contestant cette mesure, la salariée a saisi les juridictions prud’homales en référé.

Après avoir rappelé les dispositions de la loi précitée, la Cour d’appel de PARIS, en sa formation de référé, énonce qu’elle peut prendre toutes mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite en application de l’article R. 1455-6 du code du travail.

Par ailleurs, elle note que l’obligation vaccinale concerne tant les personnels soignants que les personnels administratifs et techniques exerçant leur mission dans des établissements de santé, qu’ils soient employés directement ou non par ces établissements et services.

Au cas présent, elle relève que la salariée exerçait ses fonctions dans un établissement hospitalier, de sorte qu’elle était soumise à l’obligation vaccinale.

Par ailleurs, la salariée estime que la décision de suspension de son contrat constitue une sanction pécuniaire prohibée.

Or, pour la Cour, la suspension du contrat de travail et de la rémunération est la résultante légale de l’interdiction qui lui est faite de continuer son activité et ce, dans un but d’intérêt général de santé publique. À cet égard, la loi du 5 août 2021 prévoit que la suspension du contrat et de la rémunération du salarié prend fin dès lors que ce dernier est en mesure de fournir le justificatif exigé par la loi.

Ainsi, la mesure de suspension ne peut revêtir un caractère de sanction disciplinaire alors qu’il s’agit de se mettre en conformité avec la loi dans l’intérêt de la sécurité sanitaire.

De plus, la Cour d’appel constate qu’il n’est prévu par la loi aucune autre mesure susceptible d’être prise par l’employeur afin de permettre aux salariés non vaccinés de poursuivre leur activité.

Enfin, à l’instar de la Cour de cassation, elle relève que la loi est intervenue dans un contexte de crise sanitaire afin de mettre en place une obligation vaccinale justifiée par un impératif de protection de la santé publique, de sorte qu’aucune atteinte disproportionnée à la vie privée de la salariée n’est démontrée.

Elle déboute donc cette dernière de sa demande d’annulation de la suspension de son contrat de travail.

Cette position est partagée par d’autres Cours d’appel qui ont refusé d’annuler la suspension du contrat de travail (Voir notamment : CA BASSE-TERRE, 15 mai 2023, RG n° 22/01222 ; CA VERSAILLES, 13 avril 2023, RG n° 22/02332 ; CA DIJON, 07 juillet 2022, RG n° 22/00101).

A voir si la Cour de cassation maintient sa position si l’un de ses arrêts a fait l’objet d’un pourvoi.

En revanche, reste entière la question si un salarié aurait été licencié en raison de son refus de se faire vacciner.

En la matière, un arrêt publié de la Cour de cassation donne un premier élément de réponse. En l’espèce, il était question d’un salarié travaillant dans une entreprise de pompes funèbres, secteur dans lequel est imposé la vaccination contre l’hépatite B.

Ainsi, la Cour de cassation confirme la position d’une Cour d’appel qui constate qu’un salarié ne pouvait s’opposer à sa vaccination préconisée par le médecin du travail et ne présentant aucune contre-indication médicale de nature à justifier son refus. Dès lors, son licenciement est justifié (Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-27.888).

Seul le temps répondra à ces questions !

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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