Peut-on partir à l’étranger pendant un arrêt de travail ?

Durant un arrêt de travail, l’assuré perçoit des indemnités journalières de la part de la CPAM sous condition de respecter certaines obligations.

Celles-ci sont notamment listées à l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale. Aussi, tout au long des arrêts, l’assuré se doit d’observer les prescriptions du praticien ainsi que de se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical.

Dans la continuité de ces deux obligations, le règlement intérieur pour le service des prestations, commun à toutes les Caisses, rajoute des contraintes complémentaires.

Plus précisément, son article 37 précise que :

« (…) Durant la maladie, le malade ne doit pas quitter la circonscription de la section ou du correspondant de la caisse à laquelle il est rattaché, sans autorisation préalable de la caisse. La caisse peut autoriser le déplacement du malade, pour une durée indéterminée, si le médecin traitant l’ordonne dans un but thérapeutique ou par convenance personnelle justifiée du malade et après avis du médecin conseil.

Le malade dont l’envoi en convalescence est jugé nécessaire par le praticien traitant doit en aviser la caisse avant son départ et attendre l’autorisation de celle-ci. Il doit, pendant la durée de la convalescence, se soumettre au contrôle dans les conditions fixées par la caisse (…) ».

Jusqu’à présent, à défaut d’une autorisation préalable, la jurisprudence estimait que l’assuré ne peut pas quitter la circonscription de la caisse à laquelle il est rattaché (Cass. civ. 2ème, 20 septembre 2012, n° 11-19.181).

La bonne foi de l’assuré, l’autorisation préalable de son médecin traitant ou l’information préalable de la CPAM étaient insuffisantes dès lors qu’aucune autorisation n’avait été donnée (Cass. civ. 2ème, 23 janvier 2020, n° 18-26.364).

Cette exigence d’une autorisation préalable s’appliquait pour un séjour sur le territoire national ou à l’étranger dans un autre pays de l’Union européenne ou en dehors (voir par exemple pour un séjour en Grèce : Cass. civ. 2ème, 0 4 mai 2017, n° 16-10.296).

En revanche, en cas d’information préalable de la CPAM avant un départ à l’étranger, celle-ci est tenue à une obligation d’information à l’égard de l’assuré quant aux formalités à accomplir. A défaut, sa responsabilité est susceptible d’être engagée (Cass. civ. 2ème, 17 avril 2008, n° 07-11.959).

En termes de sanctions, le non-respect de cette autorisation préalable est susceptible de donner lieu à la suspension du versement des indemnités journalières ou à une demande d’indu de la CPAM.

Récemment, la jurisprudence a été amenée à apprécier la régularité de cette autorisation préalable imposée par un texte réglementaire et non reprise dans la partie législative du code de la sécurité sociale.

Aussi, après transmission d’une question préjudicielle, le Conseil d’Etat a jugé illégal l’alinéa 9 du règlement précité (CE, 28 novembre 2024, n° 495040).

Suite à cette position, la Cour de cassation a ainsi cassé un Jugement qui valide sur le seul fondement du règlement précité, déclaré illégal, la suspension du versement des indemnités journalières en raison de la sortie hors de l’Union européenne, sans autorisation préalable de la caisse, d’un assuré, bénéficiaire d’un temps partiel pour motif thérapeutique (Cass. civ. 2ème, 05 juin 2025, n° 21-22.162).

A l’appui de cette nouvelle jurisprudence, et à contre-courant de la tendance jurisprudentielle ancienne, on pourrait répondre à la question posée qu’un assuré puisse partir à l’étranger, même pendant un arrêt maladie, sans avoir besoin d’autorisation préalable.

Cependant, le même jour, la deuxième chambre civile a relativisé sa position.

Dans une seconde décision, tout en faisant référence à la décision du Conseil d’Etat, elle a précisé que « sous réserve de l’application des conventions internationales et des règlements de l’Union européenne, le déplacement de l’assuré le conduisant à séjourner temporairement hors de France rend impossible tout contrôle et ne permet pas à l’organisme de sécurité sociale de vérifier que l’assuré continue de respecter ses obligations, il en résulte que les prestations en espèces de l’assurance maladie ne lui sont pas servies durant ce séjour » (Cass. civ. 2ème, 05 juin 2025, n° 22-22.834).

Autrement dit, dès lors que durant un séjour à l’étranger, la CPAM ne peut pas vérifier si un assuré respecte les obligations qui lui sont imposées durant un arrêt maladie, celui-ci ne peut pas percevoir d’indemnités journalières durant ce séjour.

Elle fonde notamment cette position sur l’article L. 160-7 du code de la sécurité sociale qui dispose que « lorsque les soins sont dispensés hors de France aux assurés et aux personnes mentionnées à l’article L. 160-2, les prestations en cas de maladie et maternité ne sont pas servies ».

Ces deux arrêts peuvent paraître contradictoire et il conviendra de voir la jurisprudence future pour avoir véritablement un éclaircissement sur ce point ainsi que de vérifier une éventuelle évolution législative.

En synthèse, on peut donc ainsi répondre à la question posée : en cas de séjour à l’étranger durant un arrêt maladie, un assuré ne peut pas percevoir des indemnités journalières, sous réserve des conventions internationales et règlements européens.

Le Cabinet reste à disposition pour accompagner et assister salarié et employeur concernant une problématique en lien avec le droit du travail et le droit de la sécurité sociale.

Florent LABRUGERE

Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !