Un licenciement vexatoire en dépit de son bien-fondé

CA AMIENS, 20 août 2025, RG n° 24/02054 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel d’AMIENS est amené à statuer sur le bien-fondé d’une demande de dommages et intérêts au titre d’un licenciement vexatoire.

En la matière, outre la question du bien-fondé du licenciement, un salarié est susceptible d’invoquer les circonstances brutales et vexatoires d’un licenciement afin d’obtenir une indemnisation supplémentaire.

A titre d’illustration, est caractérisé le caractère vexatoire d’une rupture lorsque l’employeur en œuvre une procédure de licenciement reposant sur un motif fallacieux en accusant le salarié de déloyauté et d’incompétence professionnelle fautive, ce qui l’avait mis sous pression et l’avait humilié et avait ainsi généré un préjudice spécifique distinct de celui résultant de la perte de l’emploi (Cass. soc., 04 juin 2025, n° 23-17.945).

En revanche, le fait de sommer au salarié de quitter les locaux de l’entreprise après la remise de la lettre de licenciement en main propre ne suffit pas à caractériser des circonstances vexatoires (Cass. soc., 20 novembre 2024, n° 23-18.447).

Par ailleurs, la Cour de cassation a précisé que « même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation » (Cass. soc., 01er juillet 2025, n° 24-14.206).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

En l’espèce, il était question d’une salariée qui a été embauchée à compter du 02 septembre 2013 en qualité de professeure par une école.

Le 23 juin 2020, elle a été licenciée pour faute lourde en raison des trois fautes suivantes :

1/ L’appropriation de flacons de gel hydroalcoolique pendant la pandémie de covid-19 sans information ni autorisation de la hiérarchie au détriment des besoins de l’établissement,

2/ Des actes de violence à l’encontre d’une supérieure hiérarchique en présence des élèves,

3/ Manquement à l’obligation de loyauté par la création d’une structure concurrente avec débauchage de salariés de l’établissement et démarchage auprès de parents d’élèves de l’établissement.

Contestant cette décision, la salariée a saisi les juridictions prud’homales.

Sur la réalité de la faute lourde, la Cour d’appel d’AMIENS écarte les deux premiers griefs.

Sur le troisième grief, elle retient que s’il n’est pas interdit à un salarié de développer un projet professionnel pendant l’exécution de son contrat de travail, le fait de débaucher des salariés de son entreprise et de renseigner activement des clients de cette dernière à son insu pour éventuellement les récupérer à son profit constitue un manquement au devoir de loyauté justifiant qu’il soit mis un terme immédiat au contrat de travail.

Par contre, pour la Cour, de tels agissements ne sont pas nécessairement révélateurs d’une intention de nuire alors que l’employeur ne justifie d’aucun élément montrant que la salariée visait à lui porter préjudice.

La Cour d’appel requalifie donc le licenciement pour faute lourde en licenciement pour faute grave.

Sur les circonstances brutales et vexatoires, la Cour d’appel rappelle que le salarié peut réclamer la réparation d’un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure mais qu’il lui appartient d’établir à cet égard un comportement fautif de l’employeur.

Au cas d’espèce, elle relève que l’employeur a pendant le cours de la procédure de licenciement porté plainte pour vol et violences à l’encontre de la salariée, ces plaintes ayant finalement été classées sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée.

Or, la Cour a écarté ces deux griefs. Ce faisant, pour la Cour, l’employeur s’est comporté, dans le cadre de la procédure de licenciement, avec une légèreté blâmable engageant sa responsabilité.

Cependant, la salariée n’apporte aucune pièce permettant de retenir l’existence d’un préjudice causé par cette faute, notamment quant à des conséquences sur son état de santé.

La Cour d’appel la déboute donc de sa demande indemnitaire faute de préjudice.

Cet arrêt vient rappeler la jurisprudence constante en matière de licenciement vexatoire.

Comme le titre le sous-entend, un licenciement fondé sur une faute grave n’empêche pas la réalité de ses circonstances vexatoires.

Pour autant, encore faut-il que cette faute de l’employeur ait causé un préjudice au salarié.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !