Une feuille de papier à l’origine d’un accident du travail

CA PARIS, 23 mai 2025, RG n° 22/01373 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS est amenée à statuer sur l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur dans le cadre d’un accident du travail survenu à cause d’une feuille de papier.

En la matière, on rappellera que selon l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, « lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ».

Cette indemnisation complémentaire consistera notamment en la majoration de la rente en cas de taux d’incapacité et de la réparation des préjudices non indemnisés par la CPAM.

Aucune définition n’est donnée par la loi de la faute inexcusable mais la jurisprudence a rattaché cette notion à l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur à l’égard de ses salariés.

Plus précisément, sauf exception, il appartient au salarié de rapporter la preuve d’un manquement de l’employeur à cette obligation avec les deux éléments suivants (Cass. civ. 2ème, 08 octobre 2020, n° 18-25.021) :

1/ L’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur,

2/ Il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

A titre d’illustration, la faute inexcusable a été reconnue lorsqu’un salarié médecin a été victime d’une agression par un patient alors même que l’employeur ne pouvait pas ignorer ce risque et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires en vue de l’éviter (Cass. civ. 2ème, 29 février 2024, n° 22-18.868).

Au contraire, aucun manquement à son obligation de sécurité ne peut être reproché à un employeur lorsque l’accident a été causé par un geste maladroit, involontaire et imprévisible (Cass. civ. 2ème, 13 octobre 2011, n° 10-24.287).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’un salarié, occupant un poste de coursier, qui a été victime d’un accident du travail le 11 avril 2016.

Selon le compte-rendu de l’accident, il « ramassait une feuille tombée de son bureau quand il s’est relevé et a percuté l’accoudoir de sa chaise ». Il a été déclaré consolidé au titre de cet accident le 30 juin 2017.

Ultérieurement, le salarié a saisi les juridictions de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Après avoir rappelé la définition d’une telle faute, la Cour d’appel de PARIS relève la carence probatoire du salarié alors que la charge de la preuve repose sur lui.

Au cas présent, le salarié affirme que l’accident est survenu du fait des négligences répétées de son employeur dans le respect des préconisations de la médecine du travail, notamment dans l’interdiction du port de charge de plus de 5 kilos et la fourniture d’une voiture dotée d’un siège ergonomique répondant à des spécifications précises.

Cependant, la Cour constate que le salarié ne démontre nullement que :

1/ la chute d’une feuille de papier depuis son bureau constitue un danger en soi nécessitant que son employeur prenne des mesures spécifiques.

2/ l’obligation de ramasser un tel document ou feuille de papier contrevient à l’interdiction de porter des charges de plus de 5 kilos.

3/ le fauteuil ergonomique de son bureau n’était pas adapté à son travail ou à d’éventuelles recommandations de la médecine du travail.

4/ les recommandations de la médecine du travail relatives au véhicule de fonction et notamment des spécifications précises du siège ergonomique dudit véhicule sont en relation avec le siège ergonomique de son bureau.

Selon elle, le salarié échoue à rapporter la preuve, à l’occasion d’une activité faisant partie de ses attributions habituelles ne présentant pas de risque particulier connu au regard de sa banalité et n’ayant jusqu’alors jamais fait l’objet d’observation à l’employeur quant à un danger potentiel, de l’existence d’un risque dont l’employeur aurait eu connaissance ou dû avoir conscience et contre lequel il n’aurait pris aucune mesure adaptée pour en préserver son salarié.

En l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, la Cour d’appel de PARIS déboute le salarié de l’ensemble de ses demandes.

Cet arrêt vient illustrer le régime juridique applicable à une faute inexcusable et l’engagement de la responsabilité de l’employeur à ce titre.

Côté employeur, au soutien d’une telle action, il ne saurait lui être reproché des manquements sans lien avec la survenance de l’accident en cause.

Côté salarié, avant d’engager toute action en la matière et d’évaluer les chances de succès, il convient de bien examiner les causes de l’accident et les éléments de preuve à sa disposition.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !