CA PAU, 11 septembre 2025, RG n° 22/00460 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de PAU est amenée à apprécier le respect du principe du contradictoire dans le cadre d’un recours mixte CRA/CMRA exercé par un employeur.
Depuis 2019, toute décision de la CPAM doit faire l’objet d’un recours préalable avant saisine des juridictions de la sécurité sociale selon l’article L. 142-4 du code de la sécurité sociale.
Plus précisément, il existe deux types de recours :
1/ Un recours devant la Commission de recours amiable, dite CRA, lorsque la contestation ne porte pas sur un différend d’ordre médical.
2/ Un recours devant la Commission médicale de recours amiable, dite CMRA, lorsque justement on est face à des « contestations d’ordre médical » selon l’article R. 142-8 du code précité.
En pratique, une contestation peut porter sur ces deux points.
A titre d’illustration, face à une décision de prise en charge d’un accident du travail, un employeur peut, d’une part, contester le respect des règles de procédure et, d’autre part, soulever une difficulté médicale (par exemple invoquer l’existence d’un état antérieur).
Le premier point relève de la compétence de la CRA alors que le second relève de la compétence de la CMRA.
Dans ce cas, l’article R. 142-9-1 prévoit que la CRA doit surseoir à statuer jusqu’à ce que la CMRA ait statué sur la contestation d’ordre médical.
Celle-ci établit un avis motivé.
Sur demande de l’employeur, une copie dudit avis est transmis au médecin mandaté par ses soins lorsqu’il est à l’origine du recours.
L’avis de la CMRA sur la contestation d’ordre médical s’impose à la CRA qui statue sur l’ensemble du recours.
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était d’un salarié qui a été victime d’un accident du travail, le 30 septembre 2020, qui a fait l’objet d’une décision de prise en charge de la CPAM le 18 janvier 2021.
L’employeur a saisi la CRA d’une demande d’inopposabilité en invoquant l’existence d’une contestation d’ordre médical nécessitant l’intervention de la CMRA. Après un avis de cette dernière, la CRA a confirmé la décision de prise en charge.
Contestant cette décision, l’employeur a saisi les juridictions de sécurité sociale.
Après avoir rappelé les textes précités, la Cour d’appel de PAU relève que le courrier de saisine de la CRA de l’employeur mentionne les coordonnées (adresse, numéro de téléphone, fax, adresse mail) du médecin qu’il a mandaté pour recevoir l’avis de la CMRA.
Par ailleurs, il est incontestable que la CMRA a rendu un avis puisque la CRA fait état de l’existence de cet avis dans sa décision du 31 août 2021, le date du 24 août 2021 et mentionne son contenu (« [elle] a rejeté votre recours et confirmé la prise en charge du volet médical du sinistre »).
Or, le médecin désigné par l’employeur n’a jamais été destinataire dudit avis. Ce rapport n’a pas davantage été versé aux débats en première instance et ne l’est pas non plus en appel.
Ce faisant, pour la Cour, l’employeur a été placé dans l’impossibilité de connaître les motifs de l’avis de la CMRA et le demeure, et même de s’assurer que la CRA a statué conformément à cet avis s’agissant de la contestation d’ordre médical invoquée.
Sur ce point, il ne saurait être ordonné une expertise pour pallier la carence de la Caisse à produire cette pièce qu’elle détient pour en avoir été destinataire et ainsi assurer le principe de la contradiction.
Dès lors, la Cour d’appel déclare inopposable à l’employeur la décision de prise en charge.
Cet arrêt est particulièrement intéressant quant à la sanction prononcée par les juges en cas de non-respect du contradictoire au stade du recours amiable exercé par un employeur dans le cadre d’un recours mixte CRA/CMRA.
Pour autant, on peut se demander si la décision de la Cour résistera à un éventuel pourvoi en cassation.
En effet, la Cour de cassation a déjà jugé que ni l’inobservation des délais prévus dans le cadre du recours amiable devant la CMRA, ni l’absence de transmission du rapport médical et de l’avis au médecin mandaté par l’employeur n’entraînent l’inopposabilité à l’égard de ce dernier de la décision de prise en charge par la caisse des soins et arrêts de travail prescrits jusqu’à la date de consolidation ou guérison (Cass. civ 2ème, 11 janvier 2024, n° 22-15.939).
En tout état de cause, dans ce type de litige, autant côté assuré qu’employeur, il est primordial de demander copie des décisions médicales rendues au niveau de la Caisse ou de la CMRA.
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !