TJ MULHOUSE, 12 août 2025, RG n° 23/00661 *
Par cet arrêt, le Tribunal judiciaire de MULHOUSE est amené à rappeler les règles de calcul du différé d’indemnisation appliqué par France Travail (ex-Pôle emploi).
Suite à un licenciement, tout salarié est susceptible de percevoir une allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE) conformément aux articles L. 5421-1 et suivants du code du travail.
Cette indemnisation est régie par un règlement général annexé au décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.
L’article 21 dudit règlement prévoit notamment l’application d’un potentiel différé d’indemnisation spécifique consistant, en pratique, à retarder l’indemnisation du salarié licencié.
Plus précisément, il est prévu que « la prise en charge est reportée à l’expiration d’un différé d’indemnisation spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature ».
Autrement dit, si le salarié a bénéficié lors de la rupture de son contrat de travail de sommes non-prévues par le code du travail, celles-ci sont prises en compte pour le calcul du différé d’indemnisation spécifique.
En revanche, toute somme prévue par une disposition du code du travail est exclue. Tel est le cas, par exemple, des sommes perçues au titre d’une conciliation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes dans la limite du barème fixé à l’article D.1235-21 dudit code.
Cette question se retrouve beaucoup lors de la conclusion d’une transaction post-rupture.
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
En l’espèce, deux procès-verbaux de conciliation ont été conclus :
- 1. Le 27 juin 2022 avec le versement d’une somme de 80.000,00 € aux fins d’indemnisation du « préjudice lié à l’exécution de son contrat de travail ».
- 2. Le 4 juillet 2022 avec le versement d’une somme de 230.000,00 € aux fins d’indemnisation du « préjudice lié aux conditions de la rupture du contrat ».
Ultérieurement, France Travail (ex-Pôle emploi) a notifié au salarié la confirmation de son inscription, son droit à l’allocation au retour à l’emploi et l’application d’un différé d’indemnisation spécifique de 150 jours.
Contestant cette décision, il a saisi le Tribunal judiciaire.
Après avoir rappelé les textes précités, le Tribunal judiciaire relève que l’indemnité forfaitaire de 230.000,00 € est inhérente à la rupture du contrat de travail, intervenue par l’effet de la prise d’acte du 20 juin 2022 à effet au 30 juillet 2022.
S’agissant de l’indemnité forfaitaire de 80.000,00 €, le procès-verbal de conciliation stipule que cette somme indemnise le préjudice résultant de l’exécution du contrat de travail et que le demandeur « se désiste des demandes formulées au titre de l’exécution du contrat dans le cadre de la présente procédure et de procédure pendante sous le RG XXX à l’exclusion de celles relatives à la rupture de son contrat de travail (requalification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail) ».
Pour le Tribunal, il s’en évince que cette dernière indemnité forfaitaire n’a pas été allouée en compensation de la perte de l’emploi et ne procède pas de la rupture du contrat de travail.
Elle ne devait donc pas être prise en compte pour le calcul du différé d’indemnisation spécifique.
En revanche, au cas présent, France Travail confirme que l’indemnité forfaitaire légale de l’article D. 1235-21 précité ne pouvait excéder la somme de 241.401,84 € compte tenu de l’ancienneté du salarié.
Le montant versé au titre de la rupture du contrat de travail de 230.000,00 € n’excède donc pas le montant de l’indemnité forfaitaire légale.
Dès lors, l’organisme a appliqué, à tort, un différé d’indemnisation de 150 jours, de sorte que le Tribunal le condamne à payer au salarié une somme de 21.547,50 € correspondant aux allocations dues pour la période du différé spécifique d’indemnisation de 150 jours appliqué à tort.
Cet arrêt vient rappeler les règles particulières concernant le différé d’indemnisation et interprétations erronées faites par France Travail (ex-Pôle emploi) en cas de transaction post-rupture.
On remarquera que ce contentieux sera généralement fréquent puisque récemment, dans une circulaire Unédic n°2025-03 du 1er avril 2025 (Page 131), l’organisme a fait valoir que « La mention dans la transaction du type « somme versée du fait de l’exécution du contrat de travail » ou « en réparation d’un préjudice né de l’exécution du contrat » ne saurait permettre d’exclure la somme de l’assiette du différé, dès lors qu’elle n’a pas donné lieu à l’établissement d’un bulletin de salaire ».
Une telle interprétation semble contraire à la lecture de l’article 21 du règlement précité.
A notre connaissance, la Cour de cassation n’a pas été amenée à interpréter ces nouvelles règles. Par le passé, elle a, toutefois, jugé que si une indemnité n’est pas liée à la rupture du contrat de travail, elle devait être exclue de l’assiette de calcul du différé selon les textes alors applicables (Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 04-17.096).
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !