L’exposition aux risques du tableau 57 pour une tendinopathie ou une rupture de la coiffe de l’épaule

Comme expliqué dans le guide relatif au tableau 57 des maladies professionnelles, une pathologie de l’épaule peut avoir une origine professionnelle, notamment les tendinopathies ou ruptures de la coiffe diagnostiquées après une IRM ou un arthroscanner.

A cette fin, plusieurs conditions doivent être respectées, dont celle relative à l’exposition aux risques.

Celle-ci consiste à devoir effectuer un certain nombre de tâches dans le cadre de la sphère professionnelle susceptible de provoquer les affections listées dans le tableau n° 57 A.

Plus précisément, il est prévu les trois maladies suivantes :

Désignation des maladies Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies
– A – Épaule
Tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs. Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (**) avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 3h30 par jour en cumulé.
Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).   (*) Ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l’IRM Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (**) : – avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou – avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).   (*) Ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l’IRM Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (**) : – avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou – avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

Pour ces trois pathologies, il convient donc de démontrer que le salarié effectue des tâches l’amenant à décoller ses bras de son corps à un certain niveau et ce, pendant une certaine durée.

Si cette condition n’est pas remplie, un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est alors saisi pour qu’il se prononce sur l’existence d’un lien de causalité entre la pathologie déclarée et le travail.

Deux décisions récentes viennent illustrer le respect de cette condition.

Dans une décision du 04 juillet 2025, il était question d’un salarié déclaré auprès de la CPAM une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche.  Après enquête, celle-ci a pris en charge la maladie au titre du tableau n° 57 A (CA ROUEN, 04 juillet 2025, RG n° 24/00361).

L’employeur a contesté cette décision devant les juridictions de sécurité sociale. A l’appui de son recours, il met en avant que la CPAM ne rapporte pas la preuve de l’exposition aux risques du salarié.

La Cour d’appel de ROUEN rejette cet argument en relevant que le salarié concerné occupe un poste de responsable boucherie.

Or, selon les éléments communiqués par l’assuré au sein de son questionnaire, il a notamment les missions suivantes :

  1. 1/ Il procède à l’emballage des produits boucherie, ce qui induit de prendre une barquette ou une caissette, de la mettre dans l’emballeuse, de la récupérer pour la mettre sur un plateau, cette tâche étant effectuée a minima une fois par semaine à raison de 2,5 heures par jour puisque l’assuré emballe environ 400 plateaux par semaine.

  • 2/ Il dépose ensuite la caissette sur les niveaux de l’échelle roulante afin de la disposer en rayon, le niveau le plus bas de l’échelle roulante étant de 30 cm et le plus haut à 1,70 mètre. L’assuré précise que cette tâche est effectuée au minimum quatre fois par semaine à raison d’une heure par jour.

  • 3/ Le salarié procède également à la mise en rayon en récupérant les barquettes disposées sur l’échelle roulante à raison d’une fois par semaine à raison d’1,5 heure par jour.

  • 4/ Il s’occupe de la découpe de viande.

  • 5/ Il effectue enfin cinq fois par semaine pendant 3h30 la mise en rayon de produits élaborés.

Ainsi, pour la Cour, ces missions entraînent nécessairement un décollement du bras par rapport au corps d’un moins 90° sans soutien ainsi que des mouvements de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur à 60° en cumulé d’au moins 2 heures par jour.

La pathologie a donc bien une origine professionnelle.

En revanche, dans une autre affaire, la solution est différente.

Il était cette fois-ci question d’une salariée qui a complété une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une tendinopathie avec rupture de la coiffe des rotateurs de son épaule gauche.

Après enquête administrative, la caisse a considéré que les conditions du tableau n° 57 des maladies professionnelles tenant au délai de prise en charge et à la liste limitative des travaux n’étaient pas remplies, de sorte qu’un Comité a été saisi.

Celui-ci a rendu un avis défavorable et la CPAM a donc notifié un refus de prise en charge. L’assurée a contesté cette décision devant les juridictions de sécurité sociale (CA ORLEANS, 01er juillet 2025, RG n° 24/03039).

Toutefois, la Cour d’appel d’ORLEANS refuse de reconnaitre le caractère professionnel de la pathologie déclarée en se fondant notamment sur les avis défavorables des deux CRRMP qui ont été saisi.

Elle relève, à ce titre, que ces deux Comités ont estimé que la pathologie ne pouvait pas résulter directement de l’activité professionnelle de la salariée eu égard au temps trop important écoulé entre la fin de son exposition au risque et la date à laquelle la pathologie a été médicalement constatée.

En effet, il ressort de la chronologie du dossier que la salariée a cessé d’être exposée au risque le 12 octobre 2019, date à laquelle a bénéficié d’un arrêt de travail au titre d’un accident de travail ayant occasionné une lésion de son épaule droite.

Or, la date de première constatation médicale de la pathologie affectant son épaule gauche a été fixée au 6 avril 2021. Il s’est donc écoulé 1 an, 5 mois et 25 jours entre ces deux évènements.

La Cour constate également que les douleurs à l’épaule gauche sont dues à une sursollicitation de cette épaule pour compenser les douleurs à l’épaule droite.

Aussi, pour elle, le lien de causalité entre le travail et la pathologie à l’épaule gauche serait donc seulement indirect, ladite pathologie étant directement due à une compensation nécessitée par les douleurs à l’épaule droite.

Ces deux décisions viennent donc bien illustrer les particularités de chaque dossier et la question du respect des conditions posées par le tableau n° 57 A relatif à une affection à l’épaule.

Le Cabinet reste à disposition pour accompagner et assister les employeurs et salariés concernant une problématique en lien avec une maladie professionnelle du tableau n° 57.

Florent LABRUGERE

Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.

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Maître Florent Labrugère

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